Revirement de jurisprudence sur le démarchage - II.- L’évolution jurisprudentielle

par Olivier BEDDELEEM, Docteur en droit
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II.- L’évolution jurisprudentielle

Après avoir accepté de confirmer les contrats au motif de la reproduction de la réglementation dans le contrat, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence. 

A.- La confirmation liée à la reproduction de la loi dans le contrat

Dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation affirmait que la reproduction lisible des dispositions du Code de la consommation, jointe à l’exécution volontaire du contrat par l’intéressé, permettait la confirmation de l’acte nul. 

Un arrêt du 9 décembre 2020 refusait ainsi d’annuler un contrat. Les juges constataient que si le contrat ne respectait pas les dispositions légales, il était cependant reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L. 121-23 à L.121-24 du Code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles. Les juges en déduisaient que les emprunteurs avaient exécuté volontairement le contrat, en connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui valait confirmation du contrat et les privait de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.

Un arrêt du 31 août 2022 confirmait que «La reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions».

Comme le rappelait la Cour de cassation dans l’arrêt commenté du 24 janvier 2024, l’objectif de cette jurisprudence était d’éviter que les acquéreurs échappent à leurs obligations en invoquant une irrégularité formelle du contrat de vente, alors que celui-ci avait fait l’objet d’une exécution normale. Toutefois, cette jurisprudence était en opposition avec l’objectif de protection du consommateur posée par la loi. 

B.- Le revirement de jurisprudence

A la suite des décisions de 2020 et 2022, les juges du fond se sont opposés à l’application de la nouvelle jurisprudence. 

Comme le remarquait la Cour de cassation, la question de la confirmation du contrat conclu hors établissement a fait l’objet d’un contentieux fourni. Les juges du fond ont eu deux approches différentes. Une partie des juridictions ont appliqué la règle posée par la Cour de cassation mais adopté une approche in concreto. Une autre partie des cours d’appel refusait d’appliquer cette jurisprudence et excluaient que la seule reproduction, même lisible, de textes du Code de la consommation soit suffisante pour caractériser une connaissance du vice. 

Cette opposition des juges du fond a conduit la Cour de cassation à faire évoluer sa jurisprudence en deux temps. 

Un arrêt du 1er mars 2023 autorisait toujours la confirmation par la seule reproduction lisible mais exigeait que les dispositions du Code de la consommation reproduites sur le bon de commande soient précisément celles qui fixaient les règles dont l’inobservation fondait la demande d’annulation formée par les consommateurs. 

L’arrêt commenté du 24 janvier 2024 met fin à l’incertitude jurisprudentielle en opérant un revirement de jurisprudence et en décidant que «le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reprenaient les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles, était insuffisant en lui-même à révéler à l’acquéreur les vices affectant ce bon».

Un agent immobilier qui conclut un mandat hors établissement devra ainsi être vigilant au respect des dispositions formelles du Code de la consommation car la seule reproduction du Code de la consommation ne suffira pas à garantir le paiement des honoraires en cas d’exécution du contrat.