[2017-06] - La notion de local dans le bail commercial

par Bertrand Raclet, avocat spécialiste du droit immobilier, et Ornella Giannetti, avocat
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La notion de local est déterminante de l’application du statut des baux commerciaux, puisque l’article L. 145-1 I du Code de commerce énonce dans son premier alinéa, parmi les conditions d’application du statut, celle de l’existence d’un local ou d’un immeuble, objet du bail, et dans lequel un fonds est exploité.

 


 

 

 

A.- Le "local" dans les textes relatifs au contrat de louage

On pouvait donc espérer trouver dans le texte spécial, applicable aux baux commerciaux, une définition précise de cette notion.

Parce qu’il ne paraissait pas nécessaire de définir l’évidence ou pour éviter le risque d’une notion trop étroite, l’article L. 145-1, I ne s’attarde pas à une telle définition, évoquant seulement les «locaux» ou «l’immeuble».

Les 1° et 2° du paragraphe I étendent, quant à eux, la protection du statut aux baux de «locaux ou immeubles accessoires aux locaux principaux» et aux baux de terrains nus sur lesquels sont édifiées des «constructions» à usage commercial, industriel ou artisanal.

On constate donc que le statut des baux commerciaux emploie indifféremment les termes de «local», «locaux», «immeuble(s)» qu’ils soient principaux, accessoires ou annexes et ceux de «constructions» sur un terrain nu, sans davantage définir la notion.

La notion d’«immeuble» visée par l’article L.145-1 ne s’entend d’ailleurs pas de celle mentionnée à l’article 518 du Code civil énonçant que «les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature».

L’«immeuble» ou le «local» doivent se comprendre, au sens du langage commun, pour le premier comme un bâtiment construit et pour le second comme une partie d’un bâtiment construit, et dans un sens plus restreint que celui du Code civil, puisque les terrains nus sont exclus du champ d’application.

Le droit commun du louage n’offre pas de définition du local et y préfère la notion de «chose louée».

L’article 1713 du Code civil, dans l’intention de viser le plus largement possible l’objet du contrat de location, y indique, qu’on peut louer toutes sortes de biens meubles ou immeubles.

Si l’on trouve aujourd’hui dans l’article 1719 du Code civil, avec l’alinéa 1er, la notion de «locaux loués», c’est à raison d’une insertion générée par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (dite loi «MOLLE»), et seulement pour affirmer le principe de logement décent pour l’habitation principale du locataire, non pour définir la notion de locaux.

Il est vrai que la notion paraît simple.

Un «local» se définit, dans le dictionnaire Larousse, comme une «partie d’un bâtiment considéré surtout par rapport à son état et/ou sa destination», et des «locaux» comme des «pièces, partie de bâtiment, servant de siège aux activités d’une profession».

En dehors des textes consacrés au louage, on trouve notamment, dans l’article 4-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, issu du décret d’application de la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 améliorant la protection des acquéreurs de lots de copropriété, dite loi «Carrez», pour la détermination de la superficie d’une partie privative, la notion de plancher des «locaux clos et couverts».

On pouvait donc penser qu’un local était nécessairement constitué d’un volume privatif, doté de murs ou cloisons en assurant la clôture verticale, d’au moins une porte d’accès en assurant également la fermeture et d’un plafond séparatif et/ou d’une toiture ou couverture.

Mais la jurisprudence a su faire évoluer cette notion, au point de la rendre aujourd’hui assez abstraite.

Quelle est donc aujourd’hui cette «chose» louée visée par les articles 1719 et 1720 du Code civil, qui constitue le local ?


 

 

 

B.- L'évolution de la jurisprudence

 

1.- L’époque du «clos et du couvert»

Dans un premier temps, la jurisprudence s’est essentiellement attachée à définir le local, par référence aux caractéristiques physiques de la chose louée.

Ainsi, dans un arrêt maintenant ancien, la cour d’appel de Paris définissait le local comme un «lieu clos et couvert dans lequel s'effectue la vente» et une «construction permanente».

Toutefois, il a été jugé que la taille du local importait peu, et qu'une échoppe dont l'exiguïté ne permettait pas à la clientèle d'y pénétrer constituait néanmoins un local.

Encore faut-il, selon cette jurisprudence, qu’existe une construction abritant ou constituant le local.

La jurisprudence a donc refusé la qualification de local au sens de l’article L. 145-1 du Code de commerce pour :

- une aire de stationnement délimitée par de simples bandes de peinture au sol ou encore un emplacement non délimité et se situant à l’extérieur du bâtiment et uniquement destiné au stationnement de véhicules ;

- un mur utilisé pour l’affichage publicitaire ou du panneau publicitaire lui-même ou encore d’une surface d’exposition ou d’une vitrine ;

- des emplacements ou stands dans un supermarché.

La jurisprudence a, par ailleurs, dû se prononcer sur la précarité de certaines constructions.

Dans ces hypothèses, elle retient classiquement qu’une baraque de chantier ou des cabines mobiles et aisément transportables, ne sont pas des locaux au sens de l’article L. 145-1 et ne sont donc pas protégés par le statut.

L’appréciation du caractère fixe de l’installation relève ici du pouvoir souverain du juge du fond.

Il a ainsi pu être considéré qu’un baraquement situé sur un terrain destiné à l’exploitation d’un restaurant-buvette bénéficiait des dispositions du statut, au motif que «si un caractère de solidité et de fixité des constructions édifiées est exigé pour donner, au locataire d'un terrain nu, droit au bénéfice du statut des baux commerciaux, il n'en est pas de même lorsque le bâtiment, existant lors de la conclusion du bail, a constitué l'objet de ce dernier, et qu'il est destiné, d'un commun accord, à l'exploitation d'un fonds de commerce».

La jurisprudence opère donc une distinction pour donner la qualification de local à la construction litigieuse, selon qu’elle aura été édifiée sur un terrain nu, dans les conditions visées à l’article L. 145 I 2, plus strictement appréciées, ou de locaux existants lors de la prise à bail.

Le terrain nu doit donc faire l’objet d’une construction, solide et durable, pour permettre l’application du statut.

 

2.- La notion de local stable et permanent

La jurisprudence a, par la suite, affiné sa définition du local en privilégiant les critères de stabilité et de permanence à ceux de «clos et couvert».

C’est à l’occasion du contentieux relatif à une autre condition du statut, celle de l’existence d’un fonds de commerce autonome et pour l’appréciation de la situation des fonds dits «dépendants» (comme les emplacements situés dans des grands magasins, supermarchés ou centres commerciaux), que la jurisprudence a systématiquement exigé les critères de stabilité et de permanence, indépendamment de ceux de l’existence d’une clientèle propre et de l’autonomie de gestion du locataire.

L’examen de la jurisprudence révèle ainsi l’abandon progressif de l’exigence d’un local clos et couvert.

L’application du statut des baux commerciaux a, par exemple, été retenue pour une station de lavage pour automobiles équipée d'un ensemble d'ouvrages non aisément démontables présentant un caractère de solidité et de fixité et bénéficiant d’une clientèle propre.

Les critères de stabilité et de permanence ont, par la suite, été clairement affirmés dans un arrêt du 19 janvier 2005, par lequel la Cour de cassation a estimé que «le statut des baux commerciaux s'applique aux baux de locaux stables et permanents dans lesquels est exploité un fonds de commerce ou un fonds artisanal, ces fonds se caractérisant par l'existence d'une clientèle propre au commerçant ou à l'artisan, que, toutefois, le bénéfice du statut peut être dénié si l'exploitant du fonds est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité».

Le critère de stabilité du local impose que le locataire puisse jouir du même local pendant toute la durée de son contrat, ce qui exclut que le bailleur puisse unilatéralement modifier l’assiette du bail tant dans sa superficie que son emplacement ou encore sa délimitation, sous réserve toutefois de la fraude, si la clause de «mobilité» du contrat n’est destinée qu’à éluder l’application du statut.

Le critère de permanence implique, quant à lui, la jouissance continue et exclusive du local, par opposition à une jouissance intermittente (quelques heures par jour ou quelques jours par semaines ou par mois).

 

3.- L’abandon de la notion de local

La jurisprudence a franchi un pas de plus en faisant ensuite, primer le critère de stabilité et de permanence sur celui du local clos et couvert, pour l’appliquer cette fois à un espace ouvert, non construit ; en l’occurrence un manège pour enfants installé sur les parties communes d’un centre commercial, pourtant d’une structure aisément déplaçable et démontable.

Alors que par un arrêt du 13 juin 2013, la cour d’appel de Versailles avait refusé de reconnaître la propriété commerciale au locataire, au motif que la convention ne portait pas sur des locaux ou un immeuble comme prescrit par l’article L. 145-1, la société exploitante, à la faveur d’un pourvoi en cassation, avait présenté une question prioritaire de constitutionnalité.

Par arrêt du 20 mars 2014, la Cour de cassation, après avoir dit n’y avoir lieu à question prioritaire de constitutionnalité, a précisé «qu'il ne résulte pas d'une jurisprudence constante que l'application de l'article L. 145-1 du Code de commerce soit soumise à l'exigence d'un local clos et couvert et qu'en soit exclue une surface d'exploitation si l'emplacement concédé est stable et permanent».

La position était ainsi clairement annoncée : exit la notion de local clos et couvert.

La Cour de cassation, statuant ensuite sur le pourvoi relevé à l’encontre de la décision de la cour d’appel de Versailles, a certes, décidé dans son arrêt du 15 octobre 2014, que la société exploitante n’avait pas droit au bénéfice du statut, mais au motif qu’elle ne justifiait pas avoir une clientèle propre, détachable de l'achalandage du centre commercial qui lui imposait ses horaires d'ouverture et de fermeture, ce qui justifiait par ce seul motif la décision de la cour d’appel. Mais la Cour prend soin d’ajouter, que le motif tiré de ce que l'article L. 145-1 du Code de commerce ne pourrait s'appliquer à un espace ouvert pris sur les parties communes d'un centre commercial est erroné.

Il est donc admis par cette jurisprudence qu’une simple surface ou emplacement dans un centre commercial, peut bénéficier du statut des baux commerciaux, si l’activité est exercée de manière stable et permanente et que le locataire peut revendiquer une clientèle propre ainsi qu’une autonomie de gestion suffisante.

Dans une espèce similaire concernant également un manège situé dans un centre commercial, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a, par un arrêt du 20 janvier 2015, rappelé que «le statut des baux commerciaux est applicable, nonobstant la qualification des parties donnée au contrat, à tout local stable et permanent, disposant d'une clientèle personnelle et régulière et jouissant d'une autonomie de gestion».

La notion de local clos et couvert n’apparaît plus dans cette énumération des conditions d’application du statut.

La société locataire prétendait, ici, remplir le critère de stabilité et de permanence, à raison de ce que le déplacement du manège supposait son approvisionnement en électricité et donc des travaux importants et revendiquait, en outre, l’existence d’une clientèle propre et indépendante.

La cour d’appel n’a pas retenu cette argumentation, relevant que le manège, constitué d'un plateau tournant sur lequel sont montés des sujets ainsi que la cabine, peut être installé sur site en quatre heures et est donc aisément démontable, de sorte que le critère de stabilité n’a pas été jugé rempli.

Enfin, dans un arrêt du 22 octobre 2015, la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel, d'avoir jugé que bénéficiaient du statut des «structures installées sur un terrain présentant un caractère stable et permanent s'agissant de constructions fixes et solides non transportables ni réutilisables sur un autre site», et ce en présence d'un «mobil-home» de dix mètres de long raccordé à l'électricité posé sur une dalle en béton armé.

On constate ainsi que l’appréciation des critères de permanence et de stabilité restera essentiellement fonction des circonstances de l’espèce.

 

4.- Les critères de clientèle propre et d’autonomie de gestion aux côtés de la notion d’établissement stable et permanent

Les arrêts précédemment mentionnés (en notes 21 & 22) font référence au critère d’autonomie de gestion de l’exploitant, qui, avec celui de clientèle propre, viennent asseoir la solution juridique.

Ces critères, complémentaires de la notion d’établissement stable, présentent aujourd’hui une importance certaine. Ainsi, par un arrêt récent du 23 juin 2016, la Cour de cassation, au sujet d’une rôtisserie ambulante, a estimé que «le locataire, qui n'a pas la maîtrise exclusive de l'emplacement mis à sa disposition et dépend des infrastructures du magasin pour l'exercice de son activité, est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité et ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux».

Cet arrêt confirme qu’il convient de s’attacher, pour la reconnaissance du statut au «local», au caractère stable et permanent d'un lieu d'exploitation, quand bien même il ne constituerait pas un lieu clos et couvert, mais aussi à l'existence de contraintes pesant sur l'exploitant qui seraient incompatibles avec le libre exercice de son activité.

Le critère d’autonomie de gestion de l’exploitant présente pourtant des contours diversement, et parfois difficilement, appréciables.

Souvent fondés sur des contraintes matérielles d’exploitation (horaires d’exploitation dépendant de critères extérieurs à l’exploitant, stockage de matières premières dans d’autres locaux du bailleur, dépendance énergétique de l’exploitant) ou des critères comptables et financiers, notamment dans la maîtrise par le bailleur de la prestation de vente à la clientèle, l’autonomie de gestion sera, selon les cas d’espèce, jugée ou non suffisante.

Les critères modernes substitués à celui d’un local clos et couvert, laissent la place à une plus grande marge d’appréciation, mais aussi d’incertitude juridique.

Ils pourraient inviter le bailleur à multiplier les contraintes d’exploitation du locataire pour échapper au statut, là où ce type de commerces, compléments attractifs et nécessaires aux ensembles commerciaux notamment, présentant par essence une certaine précarité liée à leur mobilité, s’exprimait autrefois dans une certaine liberté.

 


 

 

 

 

C.- La notion de local accessoire

 

Il est apparu légitime de protéger le local accessoire, au même titre que le local principal, dans la mesure où il est essentiel au bon déroulement de l’activité commercial exercée dans le local principal.

L’article L.145-1 I 1° étend en effet la protection du statut aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce :

- quand leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds ;

- et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal ou, en cas de pluralité de propriétaires, à la condition que les locaux accessoires aient été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe.

Le local accessoire se définit par opposition au local principal.

Le local principal est celui dans lequel le fonds est exploité ; il s’agit du lieu où l’on reçoit la clientèle et où les actes de commerces sont réalisés. Pour bénéficier de plein droit du statut des baux commerciaux, le local doit être principal, par opposition au local accessoire.

Le local accessoire se distingue également des locaux annexes.

Locaux accessoires et locaux annexes constituent certes des dépendances du local principal (caves, réserves, remises, garages, archives…) et ont la même finalité, mais ne bénéficient pas de la même protection.

Les locaux accessoires sont loués séparément du local principal où s’exerce l’activité et en vertu d’une convention distincte, étant précisé que le bailleur peut être différent de celui du bail principal.

Les locaux annexes sont, généralement, contigus au local principal et sont loués dans le cadre du même contrat que le bail des locaux principaux.

Ils bénéficient automatiquement de la protection du statut des baux commerciaux, à raison de l’indivisibilité du bail, du moins à condition d’être loués au titre du même contrat.

Enfin, le local accessoire se définit également par opposition à l’établissement secondaire, qui lui-même réfère à la notion d’établissement principal.

L’établissement secondaire est défini par l’article R. 123-40 du Code de commerce comme «tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l'établissement principal et dirigé par la personne tenue à l'immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers».

Ainsi, établissements principal et secondaire sont, au sens des baux commerciaux, des locaux principaux, s’agissant d’un lieu d’exploitation commerciale et nécessitent tous deux une immatriculation distincte, pour bénéficier du statut.

En revanche, un local accessoire, auquel la clientèle n’a pas accès et/ou aucun acte de commerce n’est effectué ne peut revêtir la qualification d’établissement principal, ni même celle d’établissement secondaire et ne nécessite pas de remplir la condition d’immatriculation.

La distinction entre local accessoire et établissement secondaire peut s’avérer délicate.

Ainsi, ce qui était initialement seulement un local accessoire, peut devenir avec le temps un établissement secondaire, avec le développement d’activités dans les lieux qui n’étaient pas exercées au départ et relèvent de l’exploitation du fonds.

La jurisprudence considère que l’exploitation du fonds dans le local est incompatible avec la notion de local accessoire.

La notion d’exploitation du fonds s’entend certes de la réception physique de la clientèle dans le local accessoire.

Ainsi, la Cour de cassation précise-t-elle que le local accessoire est celui dans lequel un fonds n’est pas distinctement exploité, ce que la cour d’appel d’Aix-en-Provence décrit comme un local dans lequel le fonds n’est pas «directement exploité».

La notion d’exploitation du fonds étant susceptible d’interprétation, et peut-être d’évolution avec le développement notamment de formes moins traditionnelles du commerce, notamment le traitement par internet de la clientèle, la prudence recommandera au locataire de s’immatriculer à l’adresse du local réputé accessoire, même si, dans son principe, elle ne s’impose normalement pas.

Il reste qu’aux termes des dispositions légales, le local accessoire n’est protégé par le statut que s’il est nécessaire à l’exploitation du fonds, et il n’existe, en principe, qu’autant qu’un local principal existe.

Cette solution apparaît a priori évidente dans la mesure où l’extension de la protection du statut au local accessoire suppose que le local principal soit lui-même protégé.

La jurisprudence a refusé dans un premier temps de faire bénéficier la protection du statut pour les locaux accessoires de certaines professions, telles que les marchands de quatre-saisons ou de glace, les forains ou taxis, faute d’existence d’un local principal.

Cette position s’est, par la suite, assouplie et la Cour de cassation a admis la protection du local de remise d’un marchand forain, quand bien même il n’avait pas de local principal, s’il est établi qu’il est nécessaire à l’exploitation du fonds. Le local principal est depuis considéré, dans ces cas, comme le lieu où s’exerce habituellement l’activité de l’entreprise.

En ce qui ce qui concerne les conditions visées à l’article L.145-1 I 1°, la jurisprudence rappelle qu’elles sont cumulatives et il appartiendra au locataire de rapporter la preuve d’y satisfaire, la Cour de cassation n’hésitant pas à censurer les décisions dans lesquelles les juges du fond n’ont pas recherché si ces conditions étaient réunies.

S’agissant de l’information du bailleur quant à l’utilisation conjointe des locaux, il faut distinguer, selon le texte, suivant que le local principal et le local accessoire sont loués au locataire par le même bailleur ou par des bailleurs différents. Dès lors que les locaux principal et accessoire sont loués au locataire, en vertu de deux baux distincts, par le même bailleur, ce dernier est présumé connaître l’utilisation jointe du local principal et accessoire. Dans cette hypothèse, le local accessoire sera protégé dès lors que sa privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds.

Si le local accessoire appartient à un propriétaire différent de celui du local principal, la condition tenant au caractère indispensable du local accessoire reste exigible, mais le locataire devra également rapporter la preuve que le bailleur du local accessoire, savait que la location accessoire était consentie en vue d’une utilisation jointe avec le local principal (notes 30 et 31, ). Cette condition s’apprécie au moment de la formation du bail portant sur le local accessoire et peut résulter d’une simple connaissance en fait du bailleur de la situation.

Enfin, le texte prévoit que le local accessoire ne sera susceptible d’être protégé que si sa «privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds», c’est-à-dire si la perte du local est de nature à affecter l’existence même du fonds, entraînant ,par exemple ,la perte de la clientèle.

La condition doit être appréciée au moment de la date de délivrance du congé et uniquement au regard de l’exploitation, sans considération des possibilités de remplacement du local accessoire, dont le preneur pourrait disposer par ailleurs. Le bailleur ne peut ainsi s’exonérer de ses obligations en soutenant que le local accessoire peut être aisément remplacé. En l’espèce, le bailleur proposait en remplacement de la cave louée au locataire, à titre de local accessoire, que le locataire entrepose ses marchandises dans la maison, propriété de ce dernier. En revanche, la protection du statut n’est pas assurée lorsque le local accessoire ne constitue qu’une commodité ou que l’exploitation serait plus onéreuse sans ce local.

La recherche du caractère indispensable du local accessoire à l’exploitation du fonds ,est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond ; elle donne lieu à des solutions différentes selon les cas d’espèce :

- l’entrepôt d’un marchand de fleurs a été jugé indispensable ainsi qu’un entrepôt proche du lieu de vente pour stocker des marchandises de luxe à la différence de l’entrepôt de bois d’une société à activités multiples ou encore de l’entrepôt destiné à stocker les pneumatiques pour un commerce de caoutchouc/ ;

- un garage est indispensable dès lors que qu’il sert à garer le véhicule servant à la livraison à domicile, étant donné les difficultés de stationnement situées dans le secteur ou encore un local accessoire à usage de remise et de garage a été considéré comme indispensable pour le grossiste répartiteur de produits pharmaceutiques, cette activité exigeant des chargements et déchargements rapides des produits en toute sécurité ;

- sont encore jugés nécessaires la cave d’un restaurant, un vestiaire pour une salle de sport, un local contenant des archives confidentielles devant être consultées plusieurs fois par semaine.

A l’inverse, ne constitue pas un local accessoire protégé, le garage attenant au fonds de boulangerie-pâtisserie, le stockage et la livraison pouvant être exercés dans un local de remplacement, ni les garages d’une entreprise de taxis-ambulances et de ramassage scolaire.

Les solutions issues de la jurisprudence relèvent, là encore, principalement de la casuistique. La jurisprudence prend en compte, sans que ce critère soit toutefois déterminant, la distance des locaux accessoires par rapport aux locaux principaux. Enfin, il convient de relever que si le local accessoire est soumis, par l’extension légale, au statut, à raison de la réunion des conditions d’application ci-dessus, il sera soumis aux dispositions du Code de commerce, notamment en ce qui concerne le congé. En revanche, si les conditions ne sont pas réunies, le local accessoire reste soumis aux seules dispositions du Code civil.

Devant ce recensement jurisprudentiel, on constate qu’aux côtés de la traditionnelle boutique en pied d’immeuble, avec son enseigne éclairée, sa devanture pimpante et son arrière-boutique mystérieuse, coexistent des formes plus inattendues d’activités susceptibles de bénéficier du statut, malgré une certaine précarité ou une destination du local qui n’apparaît pas commerciale d’évidence. Il reste que le bail commercial est un outil juridique gage d’une stabilité souvent recherchée par les parties.

A ce titre, l’adoption volontaire du statut, notamment pour les ateliers ou entrepôts, est une réponse pratique à certaines interrogations qui peuvent se poser.