L’extension de la terrasse d’une brasserie peut justifier le déplafonnement du loyer du bail commercial renouvelé - I.- L’agrandissement d’une terrasse qui ne fait pas partie des locaux loués ne constitue pas une modification des caractéristiques des locaux loués…

par Bastien BRIGNON - Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille
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I.- L’agrandissement d’une terrasse qui ne fait pas partie des locaux loués ne constitue pas une modification des caractéristiques des locaux loués…

Conformément à l’article L. 145-34 du Code de commerce, le loyer d’un bail commercial renouvelé échappe à la règle du plafonnement en cas de modification notable des éléments permettant la détermination de la valeur locative, et notamment des caractéristiques du local loué ou des facteurs locaux de commercialité. Se fondant sur ce texte, le propriétaire d’un local commercial loué à usage de brasserie demandait le déplafonnement du bail, se prévalant de l’agrandissement de la terrasse extérieure exploitée depuis des dizaines d’années en vertu d’une d’autorisation d’occupation du domaine public. Il plaidait, d’abord, que l’extension de cette terrasse de plein air devant l’établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative, constituait une modification des caractéristiques des locaux loués.

En effet, la valeur locative est déterminée, notamment, d’après les éléments suivants, énoncés à l’article L. 145-33 du Code de commerce : les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité. Lorsque l’un de ces éléments subit une modification notable, le loyer est porté au montant de la valeur locative alors même que ce montant dépasse le plafond de hausse autorisé. Il en résulte que l’adjonction au local loué de locaux accessoires ou annexes peut constituer une modification des caractéristiques du local susceptible d’entraîner un déplafonnement du loyer.

Encore faut-il, s’agissant d’une terrasse, qu’elle fasse partie des locaux loués, l’article R. 145-3 précité visant les caractéristiques «propres au local», ou que les locaux accessoires aient été loués par le même bailleur et ce, en vertu de l’article R. 145-4, alinéa 1er, du Code de commerce. Tel n’est à l’évidence pas le cas d’une terrasse installée sur le domaine public, qui ne fait pas partie des locaux loués et qui n’appartient pas au bailleur.

 

Le rejet du pourvoi du bailleur est donc tout à fait justifié. La solution n’est au demeurant pas nouvelle. La Cour de cassation l’a déjà affirmée, à propos d’une terrasse close et couverte précaire, soulignant alors le caractère précaire du titre d’occupation (Cass. 3e civ., 25 nov. 2009, n° 08-21.049). La jurisprudence a également admis, au visa de l’article R. 145-4, que la création d’une terrasse sur le domaine public à l’extérieur des lieux loués constituait un élément extrinsèque des locaux ne pouvant s’analyser en une modification des caractéristiques propres du local (CA Paris, 16 janv. 1996 ; Cass. 3e civ, 17 déc. 2002, n° 01-16.833 ; CA Paris, 24 nov. 1999). Elle a en outre jugé, dans le même sens, que l’adjonction d’un local résultant d’une simple tolérance accordée par un autre locataire de l’immeuble ne pouvait pas justifier un déplafonnement (Cass. 3e civ, 30 nov. 2005, n° 04-16.477), comme l’annexion d’une loge de concierge dont la jouissance a été concédée par l’assemblée générale des copropriétaires (Cass. 3e civ., 27 nov. 2002, n° 01-10.058), l’assiette du bail n’étant pas, dans ces cas, modifiée.

A l’inverse, un juge d’appel a considéré, à propos d’une terrasse fermée et couverte, que son adjonction, qui entraînait l’augmentation de 17 % de la capacité d’accueil, constituait une modification notable des lieux (CA Paris, 13 sept. 2017, n° 15/18072, Gaz. Pal. 21 nov. 2017). Mais, cette solution, visiblement isolée, n’est pas celle que retiennent, dans la quasi-majorité des situations, tant les juges d’appel que la Cour de cassation.

L’arrêt annoté ne fait que réaffirmer ce principe issu d’une jurisprudence constante.