[2018-09] - L’urgence et le bail* (NL)

par Béatrice VIAL-PEDROLETTI - Maître de conférences, Aix-Marseille Université
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La référence à l’urgence a toujours la même finalité en matière de bail : accorder au bailleur et au locataire des moyens  d’action qu’ils n’auraient pas en temps normal.

*Chronique issue des actes du colloque ''L'urgence et l'immeuble'' - 1er juin 2018 - Aix en Provence

Dans le cadre de la politique du logement et dans un contexte de crise qui se pérennise, la notion d’urgence est présente dans de nombreux textes législatifs. Ainsi, le Code de l’action sociale et des familles donne-t-il accès à un dispositif d’hébergement d’urgence à toute personne sans abri, en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Autre exemple, la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable (CCH, art. L. 441-2-3) qui donne compétence à des commissions d’attribution afin de déterminer, parmi les bénéficiaires potentiels du DALO qui l’ont saisie d’un recours amiable, ceux qu’elles estiment être des demandeurs prioritaires à loger d’urgence dans le parc locatif social, obligeant alors le préfet à leur trouver un logement dans les 3 mois ou 6 mois à compter de la décision (CCH, art. L 441-2-3-1).
Lorsqu’on évoque plus précisément le thème de l’urgence et du bail, il faut remarquer que  ce qualificatif n’apparait dans aucun texte spécifique relatif aux baux ; rien dans la loi du 6 juillet  1989, ni d’ailleurs dans la réglementation des baux commerciaux, professionnels ou ruraux. C’est uniquement dans le droit commun du bail, et encore dans une seule disposition, l’article 1724 du Code civil, que le législateur se réfère à l’urgence. Pour autant, le législateur peut s’y référer de façon plus implicite, au travers de situations qui s’apparentent à une urgence ou en utilisant des notions qui induisent une urgence, telle que la notion de péril ou de dommage imminent. Et quand ce n’est pas la loi, c’est la jurisprudence qui peut aussi s’appuyer sur l’urgence pour justifier certaines solutions.
Dans le langage courant, l’urgence est la qualité de ce qui ne peut être différé, ce qui doit être fait ou décidé dans les plus brefs délais pour éviter ou, à tout le moins, limiter les conséquences préjudiciables. En droit, l’urgence n’est pas définie ; elle est considérée comme une notion de fait appréciée souverainement par les juges du fond ; elle pourra donc varier, connaître différents degrés en fonction des cas de figure.
Il reste que la référence à l’urgence a toujours la même finalité en matière de bail : accorder au bailleur et au locataire des moyens  d’action qu’ils n’auraient pas en temps normal. On pourrait dire, comme pour la fraude, que l’urgence permet de faire exception à toutes les règles ou encore, selon les propos plus imagés d’un commissaire de gouvernement, que «quand la maison brûle, on en va pas demander l’autorisation d’y envoyer les pompiers».
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce que l’urgence autorise de faire, que ce soit en cours de bail (I) ou lors de son extinction (II).