Cass. com., 2 juillet 2025, n° 24-20.714, F-D, publié au Bulletin
Article paru dans les Annales des Loyers N° 09 de Septembre 2025
«L’article L. 622-14 du code commerce qui, [selon sa portée effective telle qu’elle résulte d’une interprétation jurisprudentielle constante de la Cour de cassation], prévoit que le juge-commissaire peut refuser de constater la résiliation du contrat de bail des locaux servant à l’exploitation du fonds de commerce pour défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, et ce même si le débiteur a régularisé les impayés de loyers postérieurement au dépôt de la requête tendant au constat de la résiliation, dès lors que la régularisation est intervenue antérieurement au jour où le juge commissaire statue sur la requête le saisissant, porte-t-il atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?». Telle était la question prioritaire de constitutionnalité qui était posée dans le cadre d’un contentieux qui opposait un locataire à son propriétaire, locataire qui, parce tombée en procédure collective, n’avait pas réglé des loyers postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective. Il y avait bien la place pour une telle QPC car, d’une part, la disposition contestée était applicable au litige, qui concerne la résiliation d’un bail commercial, et, d’autre part, ladite disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. La disposition en question est l’article L. 622-14 du code de commerce qui permet au bailleur de demander la résiliation du bail commercial lorsque son preneur n’a pas payé des loyers postérieurs au jugement d’ouverture. Mais le bail étant le seul actif résiduel du preneur, tant la loi, que la jurisprudence ainsi que la pratique tendent à sur-protéger ce bail, pour le préserver, et donc à défavoriser le bailleur au profit du locataire. Dans cette affaire, la Cour de cassation estime, d’abord, que la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle. Elle considère, ensuite, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux. En effet, l’interprétation jurisprudentielle de l’article L. 622-14 du code de commerce selon laquelle le juge-commissaire ne peut prononcer ou constater la résiliation du bail commercial pour des loyers impayés échus postérieurement au jugement d’ouverture du preneur lorsque, à la date où il statue, la créance de loyer a été intégralement payée, se justifie par l’objectif d’intérêt général de préserver le redressement ou la cession de l’entreprise. Elle ne porte pas une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété du bail au regard de l’objectif ainsi poursuivi. En conséquence, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Comme on a pu l’écrire, pour le bailleur, c’est le parcours du combattant en pareille hypothèse (voir notre commentaire, cette revue, n° 2025-07-08, juill.-août 2025, p. 46: Procédure collective et résiliation du bail commercial : le parcours du combattant !).
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