Bail commercial : Application dans le temps du décret Pinel sur les charges - I.- L’application dans le temps des dispositions de la loi Pinel relatives aux charges

par Bastien BRIGNON, Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, Avocat au barreau d’Aix-en-Provence
Affichages : 2072

Index de l'article

I.- L’application dans le temps des dispositions de la loi Pinel relatives aux charges

 

  1. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite loi Pinel et son décret d’application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 dit décret Pinel ont fixé les droits et obligations des parties au bail commercial en matière de charges locatives. Ainsi, l’article L. 145-40-2 du Code de commerce, tel que modifié par cette loi, impose l’établissement d’un inventaire précis et limitatif des charges, impôts et taxes liés au bail et prévoit l’impossibilité de répercuter certaines charges sur le locataire en raison de leur nature. Les articles R. 145-35 à R. 145-37 du même code, dans leur rédaction issue du décret précité, précisent quant à eux les charges non imputables au locataire.

 

  1. L'article 21 de la loi Pinel dispose que «les articles 3, 9 et 11 de la présente loi ainsi que l'article L. 145-40-2 du Code de commerce, tel qu'il résulte de l'article 13 de la même loi, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi». La loi Pinel a été promulguée le 18 juin 2014. Par conséquent, les dispositions de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014. A ce sujet, le dernier alinéa de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce indique qu’«un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs». On l’a dit, la liste des charges, travaux, impôts, taxes et redevances qui ne peuvent plus être imputés au preneur résulte du décret du 3 novembre 2014. Or, précisément, selon l’article 8 de ce décret, les dispositions de l’article R. 145-35 du Code de commerce sont «applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du présent décret», à savoir le 5 novembre 2014. En conséquence, si l’article 21 de la loi du 18 juin 2014 prévoit que l’article L. 145-40-2 du Code de commerce est applicable aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, l’entrée en vigueur des dispositions de ce texte, à tout le moins celles relatives aux charges ne pouvant être imputées au preneur, est mécaniquement reportée aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

 

  1. Il en résulte que, pour les baux conclus ou renouvelés entre le 1er septembre 2014 et le 4 novembre 2014, doivent, certes, comporter l’inventaire des charges et un état prévisionnel des travaux envisagés ainsi qu’un récapitulatif des travaux réalisés, puisque l’article L. 145 40-2 du Code de commerce posant ces obligations s’applique bien depuis le 1er septembre 2014, conformément à l’article 21 de la loi Pinel. En revanche, les interdictions de faire supporter par le locataire certains travaux, charges et taxes ne s’appliquent pas à ces baux, puisqu’elles résultent du décret du 3 novembre 2014, qui n’est entré en vigueur que le 5 novembre 2014, soit le jour de sa publication au JO (étant rappelé que selon l’article 1er du Code civil, les lois entrent en vigueur à la date qu’elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication). Dès lors, un bail prenant effet à une date antérieure à l’entrée en vigueur de la loi Pinel ne sera soumis ni à cette loi, ni à son décret d’application ; cependant, un bail conclu postérieurement au 1er septembre 2014, date d’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, sera soumis à cette loi, mais ne sera soumis aux dispositions du décret qu’à compter du 5 novembre 2014 (J.-P. Blatter, AJDI 2019, p. 205 : Charges locatives et égalité devant la loi : irrecevabilité d’une QPC).

 

  1. Cela étant, dans l’affaire commentée, le débat portait essentiellement sur la détermination de la date du renouvellement, dans la mesure où plusieurs dates pouvaient être retenues.