[2018-09] - L’urgence et les troubles anormaux de voisinage en copropriété* (NL)

par Frédéric BÉRENGER - Avocat au barreau d’Aix-en-Provence
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 I.- L'urgence à l'épreuve de la copropriété 

Il est difficile de traiter un tel sujet et l’auteur de ces lignes avoue avoir été gêné dans la manière de le présenter. Devait-il l’aborder de manière académique, pratique, voire fantaisiste ?

Puisqu’il s’agit avant toute chose de fêter un anniversaire, celui de la Revue, j’ai cru bon de me reporter à sa présentation le jour même de sa naissance. Nous sommes au mois de janvier 1949, une petite revue aixoise va tenter de se faire une place parmi les plus grandes. Maxime Pepin, juge délégué au tribunal de la Seine, prend sa plume et écrit : «il existe, certes, des recueils de jurisprudence, avec lesquels cette nouvelle revue ne prétend nullement rivaliser. Mais ils sont réservés à des spécialistes, et leur lecture est parfois longue et ardue. Les Annales des loyers veulent être au contraire une publication de caractère essentiellement pratique. On s’en rendra compte par les études et la revue de jurisprudence publiées dans ce premier numéro qui, sous une forme accessible à tous, constituent une sorte de vulgarisation juridique, à la fois courte et claire (...). Il ne nous semble pas que ce soit plus délicat à réaliser pour le problème des loyers que pour l’astronomie ou la physique atomique».

Pour qui garde en souvenir ses cours d’histoire du droit et de la pensée juridique, l’opposition entre le droit savant et vulgaire n’avait rien d’anodine. La Revue a eu ses médailles, ses grands praticiens qui avaient un discours que d’aucuns qualifieraient encore aujourd’hui d’iconoclaste mais qui constituait pourtant l’assise du droit vivant. J’ai donc décidé de m’en tenir à cet esprit, parfois déroutant certes pour le théoricien.

Il serait faux de penser qu’il existe en droit un traitement efficace de l’urgence en matière de troubles anormaux de voisinage. Nous ne sommes même pas certains d’ailleurs que les deux notions ne soient pas antinomiques !

Une telle assertion ne peut qu’étonner. La notion de trouble anormal de voisinage est intimement liée à la propriété des fonds, elle suppose l’existence de fonds voisins. Il faut donc une certaine proximité. Cela explique pourquoi la question des troubles de voisinage ne s’est pas posée de la même manière selon l’époque ou le lieu. Si, dans l’Antiquité, les conflits sont presque inexistants, c’est avant tout parce que les habitations étaient isolées. Ce n’est que lorsque la propriété individuelle commença à s’organiser que l’on vit naître certaines règles, notamment concernant les distances des plantations ou encore les dispositions relatives à l’écoulement des eaux pluviales. En pratique, les troubles anormaux de voisinage sont très nombreux en copropriété du fait de l’imbrication des lots et l’on pourrait s’attendre à un traitement juridique efficace de l’urgence.

Trois difficultés se posent néanmoins. La première réside dans la définition même de l’urgence. Pour le copropriétaire, le trouble anormal de voisinage et ses répercussions appellent une réponse immédiate. Cette urgence n’est de toute évidence pas celle du juriste pour qui la notion renvoie aux dispositions des articles 808 et 809 du Code de procédure civile. Aucune procédure ne permet de traiter immédiatement une difficulté entre voisins.


La deuxième difficulté est que le trouble anormal de voisinage est une notion précise dotée d’un régime juridique précis. Elle est complexe car elle dépend de données, de circonstances de temps et de lieux, de configuration des fonds, des personnes. Seul le juge du fond peut dire et décider si un tel trouble anormal est caractérisé ou pas. L’appréciation de l’anormalité du trouble s’opère in concreto. Elle est affaire de convenance et [...]

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