[2018-06] - La clause compromissoire (NL)

par Gilles ROUZET - Conseiller honoraire à la Cour de cassation
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La clause compromissoire, convenue avant même l’amorce d’une difficulté en vue de la résoudre par voie extrajudiciaire - mais juridictionnelle - s’il en survient une, se différencie de la conciliation, de la médiation ou de la transaction, pour ne citer que les modes de résolution des conflits les plus en vogue. Lesquelles, à l’inverse de la première, se décident après son apparition.
La stipulation, conclue en considération d’un contrat ou d’un fait déterminé, interpelle. A-t-elle pour objet l’apaisement du litige ? Manifestement non puisqu’elle conduit aussi à faire trancher un contentieux devant une juridiction ; mais en suivant une voie de nature différente, celle de la justice privée. Favorise-t-elle la résolution d’un conflit une fois qu’il est né ? Vraisemblablement, car elle a pour objectif premier d’en restreindre la durée dès lors que l’un de ses intérêts présumés est de réduire, sinon d’accélérer, la procédure. Constitue-t-elle l’amorce d’un mode alternatif de règlement des différends ? Certainement, car elle est optionnelle en ce qu’elle est l’expression d’un libre choix ; celui de recourir à l’arbitrage dont le nom est, à lui seul, porteur d’une promesse d’apaisement.

Les réponses apportées peuvent être discutées. Elles le sont.
M. Posocco relevait avec prudence dans sa thèse sur la clause compromissoire1 soutenue en 2011 - donc avant la réforme - que celle-ci tient un rôle à part dans ce que l’on qualifiait à l’origine de «mode amiable de règlement des conflits» (MARC) et que la loi du 18 novembre 2016 dénomme aujourd’hui «mode alternatif de règlement des différends» (MARD)2. «Ce sont des procédés, écrivait alors cet universitaire, qui ont pour objet la résolution des antagonismes en dehors de l’institution judiciaire. Toutefois, là où la conciliation, la médiation et la transaction visent à exclure le traitement juridictionnel du litige, l’arbitrage n’écarte que la compétence du juge public. Cette dernière [la clause compromissoire] occupe donc une place à part»3.
Plus tranché, le professeur Théry repoussait encore fin 2017, à l’issue d’un colloque parisien dont il assurait le rapport de synthèse4, la possibilité de la tenir pour un MARD. Son explication, s’appuyant également sur le fondement juridictionnel, ne se justifie plus à nos yeux dès lors que ces dernières années l’on est passé du mode «amiable» à celui «alternatif». Qualificatif qui traduit une option procédurale destinée à vider le contentieux sans pour autant renoncer à ce qu’il soit tranché par une juridiction, le tribunal arbitral.
Adoptant une position plus souple et - croyons-nous - plus conforme à la réalité, le professeur Stricker a pris en considération ce changement de qualificatif en relevant que «la loi de 2016 va au-delà du cercle de ces modes amiables, et entendant largement le concept, y inclut le contrat qu’est la transaction, et le mode conventionnel mais juridictionnel du règlement des différends qu’est l’arbitrage»5.

1 - L. Posocco, «La clause compromissoire : contribution à l’étude sur l’arbitrabilité des litiges», thèse Toulouse 1 Capitole, 2011, n° 2.
2 - L’acronyme MARD succède au MARC qui était censé viser les modes «amiables» plutôt qu’»alternatifs» de règlement du «contentieux» ou des «conflits» plutôt que des «différends».
3 - L. Posocco, op. cit., p. 10.
4 - Association Rencontres Notariat Université (ARNU), «Le notaire et la déjudiciarisation», colloque tenu à Paris le 20 novembre 2017 [non encore publié à ce jour, mais destiné à l’être].
5 - Y. Strickler, «Les modes alternatifs de règlement des différends dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIè siècle», Procédures 2017, n° 2, Etudes 7, p. 24, n° 2