[LOGEMENT SOCIAL] - Veille.- Les aides à la pierre : retrouver la finalité des loyers modérés

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Cour des comptes, référé n° S2019-1252.

La Cour des comptes a publié récemment un document portant sur l’évolution et l’impact des aides à la pierre depuis 2010. D’un montant de 468 M€ en 2019, pour une cible de 124 000 logements sociaux à produire, celles-ci pèsent beaucoup moins sur le plan budgétaire que les aides personnelles au logement (13,4 Md€). Elles demeurent néanmoins, depuis la réforme des aides au logement de 1977, le deuxième pilier en faveur du développement et de l’amélioration du parc locatif social et sont complémentaires des aides à la personne. La Cour relève que la subvention versée sert rarement de déclencheur des opérations de construction sociale et note qu’entre 2012 et 2017, la part des subventions de toute nature dans les plans de financement s’est nettement resserrée, passant de 12,5 % à 8,5 %. La subvention de l’État, au titre du FNAP, n’a donc un rôle déclencheur qu’à la marge, pour des opérations difficiles à équilibrer. Pour autant, il est notable que les règles d’attribution des subventions ont eu un effet positif sur l’orientation de la construction car elles favorisent l’ajustement qualitatif de l’offre à la demande. 

L’aide à la pierre participe à la concentration de l’effort de production sur les zones en tension. Le bilan est cependant terni par le constat selon lequel la quantité de production de logements semble toujours primer sur le niveau des loyers de sortie des opérations. La juridiction souligne que le cadre réglementaire et les pratiques des services instructeurs se sont en effet éloignés de la préoccupation de modération des loyers et ceux-ci ont connu une hausse inverse de l’évolution du niveau de vie des demandeurs de logement social. Ainsi, dans certaines zones tendues, les loyers des logements PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) les plus récents se situent à des niveaux supérieurs (de 20 % en Île-de-France et de 28 % en province) à ceux des loyers du parc antérieur à 1978. De ce fait, la construction de nouveaux logements n’apporte pas une réponse adaptée, en termes de loyers, à la demande d’un grand nombre de ménages défavorisés. A cela doit être ajouté l’échec relatif du programme de logements très sociaux à très bas niveau de quittance (PLAI adapté) qui a été repris par le FNAP dès sa création. Destiné aux ménages cumulant difficultés financières et sociales, ce programme a produit des résultats décevants en raison de l’extrême complexité des procédures. Alors que de 2013 à 2018, l’objectif constamment réaffirmé était de 3 000 logements PLAI par an, seuls 3 400 logements ont été financés à ce titre en six ans. 

Dans les faits, la Cour relève que les loyers à la mise en service de ces logements très sociaux ne sont pas différents de ceux des PLAI de droit commun et que la subvention complémentaire pour les PLAI adaptés n’est pas subordonnée à une minoration chiffrée du loyer. Or, insiste la juridiction, l’aide à la pierre doit pourtant bien viser à favoriser la production d’une offre de loyer adaptée aux plus bas revenus, en l’occurrence ceux des demandeurs de logements sociaux insolvables au niveau du loyer maximum PLAI. 

La Cour émet alors deux recommandations visant à renforcer le ciblage des aides à la pierre sur la production de logements à bas loyers à destination des publics les plus fragiles ou en difficulté. D’une part, elle préconise de mobiliser les reports de crédits issus de la majoration des prélèvements SRU sur les communes déficitaires en logements sociaux au profit du programme de PLAI adaptés ou de tout autre programme de construction destiné aux publics fragiles. D’autre part, elle recommande d’orienter l’attribution d’une partie des aides à la pierre vers la production de logements destinés aux ménages en difficulté, à un niveau de loyer minoré, arrêté conjointement dans chaque territoire par l’État et les collectivités compétentes.