[COPROPRIETE] Veille.- Sénat.- Commission d’enquête.- Paupérisation des copropriétés.- Recommandations

par Guilhem GIL, Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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A. Gacquerre et M. Margaté, La paupérisation des copropriétés, mieux la connaître pour mieux la combattre, Rapport n° 736, 18 juillet 2024

Une commission d’enquête du Sénat a consacré un rapport à la paupérisation des copropriétés immobilières avec comme objectif de procéder à une évaluation et de proposer des directions pour les années à venir. Le document s’ouvre sur le constat selon lequel ce phénomène est encore mal cerné. Tout d’abord, bien que 578 000 copropriétés soient immatriculées dans le registre national (RNIC), il semble, au travers du croisement de plusieurs fichiers, qu’il en existerait près de 888 000 en 2023. Ce sont donc plus de 300 000 copropriétés qui ne seraient pas immatriculées, étant souligné que les données sur celles qui le sont restent souvent lacunaires voire erronées.

Il semble à cet égard que le déficit d’informations fiables concerne principalement les plus petites et les moins bien gérées des copropriétés. En outre, les chiffres sur les copropriétés en difficulté ne permettent pas non plus d’avoir une photographie précise. Selon plusieurs études, environ 215 000 copropriétés auraient un montant d’impayés d’au moins 20 % de leur budget annuel, environ 90 000 copropriétés n’auraient pas approuvé leurs comptes depuis plus de deux ans et 23 000 depuis plus de cinq ans. Près de 115 000 copropriétés seraient fragiles, les copropriétés de moins de douze logements représentant les quatre cinquièmes des plus fragiles d’entre elles. Par ailleurs, plus de 200 000 copropriétés immatriculées seraient sans syndic dont 20 % des copropriétés comprenant 50 à 200 lots. Enfin, 35 % des copropriétés auraient un DPE de classe F ou G, et, en Île-de-France, la moitié des logements indignes seraient en copropriété.

S’agissant des causes de la fragilisation, le rapport fait le constat classique selon lequel il n’existe pas d’explication unique en la matière mais plutôt un faisceau de facteurs : phénomène de vieillissement des immeubles ; difficultés propres des copropriétaires ; accroissement des charges liées aux prix de l’énergie et à l’obligation de réaliser dans un délai rapproché d’importants travaux de rénovation énergétique ; vieillissement des copropriétaires eux-mêmes, disposant de moins de ressources et moins à même de s’investir dans la vie de leur immeuble. La conjonction de ces divers facteurs est alors susceptible d’entraîner un cycle vicieux de dégradation de la copropriété.

Le rapport souligne ensuite les limites des dispositifs de prévention et de redressement : les pouvoirs publics peinent à détecter, à prévenir ou à contrer les phénomènes de dégradation ; les copropriétés n’ont presque jamais recours au mandat ad hoc ; des dispositifs préventifs comme le POPAC ont une durée et une portée trop limitées ; les syndics sont souvent prisonniers du blocage, n’étant que les mandataires d’une assemblée générale devenue dysfonctionnelle ; les administrateurs judiciaires ne sont pas toujours suffisamment préparés pour mener une véritable opération de redressement. A cela s’ajoutent les limites inhérentes aux modalités de prise de décision en copropriété ainsi que le courtermisme de certains copropriétaires qui veulent minimiser leurs charges ou leurs gains locatifs et n’intègrent pas la nécessité d’effectuer des travaux pour préserver l’immeuble sur le moyen et le long terme.

Si certains outils d’intervention tels que les opérations de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD) ou le Plan initiative copropriétés font l’objet d’un retour d’expérience positif, il s’agit néanmoins d’opérations extrêmement complexes et longues durant au moins vingt ans. En dehors des grands sites, la prise en charge des copropriétés en zone diffuse à travers la mosaïque des outils existants est beaucoup plus problématique faute de moyens suffisants ou s’inscrivant dans des durées adaptées. Par ailleurs, les programmes Action Cœur de Ville ou Petites villes de demain ne ciblent pas systématiquement les copropriétés, conduisant notamment à ce que les petites copropriétés, quelle que soit la taille des communes, constituent un angle mort des politiques publiques actuelles.

La Commission sénatoriale formule alors 25 recommandations articulées autour de trois axes : mieux repérer, prévenir et traiter les difficultés ; pérenniser et améliorer les politiques publiques ; permettre un meilleur fonctionnement des copropriétés. Les propositions les plus innovantes figurent dans ce troisième axe. Il est ainsi suggéré, outre la réalisation attendue de la codification du droit de la copropriété, de confier au ministère de la justice la rédaction d’un règlement de copropriété type ; de faire du conseil syndical un véritable conseil d’administration de la copropriété ; de renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs en limitant le droit de vote des copropriétaires présentant un retard intentionnel et abusif de paiement des charges ainsi qu’en restreignant le droit de recours contre les décisions d’assemblées générales des copropriétaires n’y assistant pas ; de donner un «bonus» aux copropriétaires occupants sur les questions d’entretien et de vie quotidienne de la copropriété ; de lutter contre les impayés de charges en généralisant la mensualisation des charges de copropriété et en facilitant le recouvrement des impayés par les syndics en allongeant la durée maximale du plan d’apurement de la dette jusqu’à dix ans ; de mieux protéger les copropriétaires face aux situations d’impayés irrémédiables en élargissant le «super-privilège» de la copropriété pour les charges des cinq dernières années en cas d’hypothèque légale et en confiant au ministère de la justice l’élaboration d’une procédure de faillite du syndicat des copropriétaires permettant d’éviter la faillite personnelle de copropriétaires captifs de leur logement ; de faciliter la désignation de syndics professionnels pour éviter les copropriétés sans syndic en abaissant le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d’un syndic, en permettant de déroger au contrat type de syndics sous la forme de contrats de groupe ou de prestations de services à la carte dans les copropriétés de moins de 20 lots ; de poursuivre l’encadrement de la profession de syndic en renforçant les obligations de formation initiale et de formation continue ainsi qu’en dotant la profession d’un véritable organe disciplinaire ; de renforcer l’inclusion des locataires dans la gestion de la copropriété en ouvrant la faculté à l’ensemble des copropriétés de créer un conseil de résidents et en permettant à des locataires mandatés d’assister aux réunions du conseil syndical et des assemblées générales.