[PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE] Veille.- Rapport.- Rénovation énergétique.- Politique publique.- Évaluation

par Guilhem GIL, Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Cour des comptes, La rénovation énergétique des bâtiments, 28 octobre 2022

Dans un rapport consacré aux conditions de mise en œuvre de la politique de rénovation énergétique des bâtiments, la Cour des comptes, après avoir rappelé les quatre axes de la politique publique de rénovation énergétique des bâtiments (création et déploiement de référentiels de performance énergétique opposables ; promotion de l’émergence d’une filière professionnelle de la rénovation, ; création d’un service public de la rénovation énergétique visant à accompagner les projets de rénovation ; développement d’instruments d’incitation et d’outils normatifs visant à déclencher la décision de rénovation chez les propriétaires du bâti) a souligné la cohérence insuffisante dans l’articulation de ces différents axes et entre les différents objectifs opérationnels poursuivis.

Outre l’imprécision de la notion même de rénovation énergétique,  y compris après l’adoption de la loi du 22 août 2021, la Cour constate que les dispositifs portés par la politique publique ont fait l’objet de réformes fréquentes qui ont nui à leur lisibilité. Non seulement les dispositifs ne couvrent pas toujours les mêmes gestes mais encore les règles de cumul ont évolué et ne sont ni stabilisées, ni aisément compréhensibles pour les usagers. De surcroît, la politique de rénovation énergétique est jugée par ailleurs mal définie et insuffisamment mise en cohérence avec d’autres politiques publiques telles que la rénovation urbaine et la prévention des risques naturels.

En outre, la Cour estime qu’il manque à la politique de rénovation énergétique des bâtiments un pilotage fort et efficace et un service public de l’accompagnement efficient sur l’ensemble du territoire national. La coordination des multiples parties prenantes (directions ministérielles ; organismes financeurs ; collectivités territoriales ; acteurs associatifs ; Agence nationale de l’habitat ; entreprises du bâtiment) est considérée comme insuffisante, cette lacune n’étant pas comblée par la récente création d’une mission interministérielle de la politique de rénovation énergétique des bâtiments qui est dotée de faibles moyens. Qui plus est, l’accompagnement des bénéficiaires des divers dispositifs apparaît encore complexe, l’articulation entre les différentes plateformes n’étant pas assurée et la réunion des différents réseaux sous le label «France Rénov’» au début de l’année 2022 n’ayant pas encore permis de clarifier les rôles et les missions des différentes structures.

Enfin, la Cour constate que le suivi de l’efficacité de la politique publique est limité, alors même que les engagements financiers publics sont élevés. Les dispositifs d’aide financière à la rénovation énergétique mobilisent en effet un volume de dépenses significatif que la Cour estime à plus de sept milliards en 2021. Or, la mesure de l’efficacité des financements pour l’atteinte des objectifs de performance énergétique est jugée particulièrement complexe et quasiment hors d’accès en raison de données inexistantes, peu disponibles, ou dont le renseignement présente des biais significatifs.

La Cour considère alors que les objectifs ambitieux de la politique de rénovation énergétique des bâtiments se traduisent, en l’état des données disponibles, par des résultats limités en termes de performance énergétique, dont on peut craindre qu’ils entraînent de nouvelles dépenses à l’avenir, et par voie de conséquence des appels à de nouvelles aides publiques pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de la France.

La Cour formule en conséquence quatre recommandations. En premier lieu, clarifier les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique en simplifiant la description des gestes de rénovation concernés et en précisant les règles de cumul. En deuxième lieu, renforcer le pilotage national de la rénovation. En troisième lieu,  établir une estimation détaillée et étayée des engagements financiers nationaux et locaux des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments au regard des bénéfices attendus. Enfin, en dernier lieu, assurer la disponibilité, l’interopérabilité et la fiabilité des données permettant de mesurer l’efficacité des dispositifs de rénovation énergétique.