[49-2019.]- Vente de l’état futur d’achèvement.- Défaut de conformité.- Délai de forclusion

par Christelle Coutant-Lapalus- Maître de conférences, Université de Bourgogne
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Cass. 3e civ., 11 juillet 2019, n° 18-17.856, publié au bulletin.

Lorsque l’acheteur dans le cadre de la vente d’un immeuble à construire émet des réserves lors de la livraison du bien en raison de vices de construction ou des défauts de conformité apparents, l’article 1648 du Code civil impose que l’action en justice soit introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents. Dans un arrêt qui sera publié au Bulletin civil de la Cour de cassation, la Haute juridiction judiciaire précise les conditions de mise en œuvre de ce délai.

En l’espèce, une société civile immobilière (SCI) a vendu en l’état futur d’achèvement une maison d’habitation à un couple. La livraison, prévue au plus tard à la fin du premier trimestre 2007, est intervenue avec réserves le 14 décembre 2007. Une ordonnance de référé du 11 mars 2008 a condamné sous astreinte la SCI à lever les réserves figurant au procès-verbal de livraison, puis une seconde ordonnance du 3 mars 2009 a ordonné une expertise. Le 15 juillet 2011, les acquéreurs ont assigné la SCI en réparation de leurs préjudices nés des réserves non-levées et du retard de livraison. La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion invoquée par le vendeur. L’arrêt retient que la livraison de la maison a eu lieu le 14 décembre 2007, avec réserves, que les acquéreurs ont assigné en référé le vendeur dans le délai de l’article 1648, alinéa 2, du Code civil pour les vices et non-conformités apparents, que l’ordonnance du 11 mars 2008 a reconnu le droit des acquéreurs d’obtenir réparation des désordres énumérés et que les droits constatés par une décision de justice se prescrivent par le délai de dix années à compter de celle-ci. Les juges du second degré considèrent que l’ordonnance de référé a eu un effet non seulement interruptif de forclusion, mais également interversif du délai qui a été à son tour interrompu par l’assignation en référé-expertise, de sorte que l’action intentée est recevable. 

Telle n’est pas l’analyse de la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Cette dernière affirme qu’à la suite de l’ordonnance de référé du 11 mars 2008 ayant interrompu le délai de forclusion courant depuis la livraison de la maison le 14 décembre 2007, un nouveau délai d’un an avait couru, lui-même interrompu par l’ordonnance de référé du 3 mars 2009 ordonnant une expertise, décision à compter de laquelle un nouveau délai d’un an a été ouvert, de sorte qu’en n’assignant au fond le vendeur en l’état futur d’achèvement que le 15 juillet 2011, soit plus d’un an après l’ordonnance du 3 mars 2009, les acquéreurs étaient irrecevables comme forclos en leur action.