[46-2019].- Mesurage.- Action en réduction du prix.- Superficie erronée.- Analyse juridique du lot.- Nécessité (non).- Etat matériel du bien.- Faute du mesureur (non).-

par Jean-Marc ROUX- Directeur scientifique des éditions Edilaix
Affichages : 716

Cass. 3e civ., 13 juin 2019, n° 17-28.407, inédit.

A la suite de la vente d’un pavillon avec jardin situé dans une copropriété, les acquéreurs ont assigné leurs vendeurs en réduction du prix et paiement de dommages-intérêts pour préjudice complémentaire en se plaignant d’un déficit de superficie au regard de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965. Dans ce cadre, les vendeurs ont appelé en garantie la société de diagnostics qui avait effectué le mesurage.

La Cour de cassation reprend la position qu’elle a adoptée en matière de loi Carrez lorsque le lot vendu a fait l’objet de modifications de la part du copropriétaire vendeur. Ce qui est original en l’occurrence, c’est qu’elle applique le principe non plus au notaire mais au mesureur. Elle précise que pour l’exécution d’une mission de mesurage au titre de l’article 46 de la loi de 1965, le mesureur n’est pas tenu de procéder à l’analyse juridique du lot en cause et doit prendre en compte le bien tel qu’il se présente matériellement lors de la vente.

A cet égard, des parties communes prises en compte dans le calcul de superficie du pavillon avaient été annexées de fait et intégrées dans la description du bien communiquée par le notaire. De plus, les lieux, comprenant des superficies appropriées du second étage ne figurant pas dans la description du bien, avaient été mesurés dans leur état existant et apparent. D’après la troisième chambre civile, la société qui avait réalisé le mesurage ayant précisé dans son certificat que celui-ci était établi sous réserve de la conformité à l’état descriptif de division. Pour la Cour de cassation, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’aucune responsabilité du mesureur n’était encourue à ce titre.

Cette approche appelle néanmoins quelques réserves.

Il est vrai que le mesureur n’a pas à se faire juge de la légalité des travaux qui ont été réalisés par le vendeur ni de la qualification des parties de l’immeuble. Au demeurant, l’article 46 imposant le mesurage des « parties privatives » du lot cédé, il semble logique que celui qui doit réaliser la mesure se renseigne a minima sur ce qui, dans l’immeuble, relève de cette catégorie. Le règlement de copropriété comme l’état descriptif de division seront, à cet égard, de bons indicateurs. Par ailleurs, la Haute juridiction parait faire de la réserve de la conformité à l’état descriptif de division un élément suffisant pour exonérer le mesureur. Il aurait été judicieux, selon nous, d’exiger une réserve sur le hiatus apparent entre les termes de l’état descriptif de division et l’état matériel constaté sur les lieux, de manière à attirer l’attention de l’acquéreur comme du notaire. En pratique, il est d’ailleurs assez fréquent que le mesureur attire l’attention des intéressés sur une difficulté rencontrée lors de l’opération. 

L’un des intérêts, voire le seul, à l’indication du mesurage des parties privatives réside dans le repérage de modifications - parfois irrégulières - réalisées par le vendeur (travaux, changements de destination…). La position de la Cour de cassation risque de limiter considérablement les enseignements qui découlent de l’obligation issue de la loi Carrez. Sans compter une déresponsabilisation des personnes qui effectuent cette mission.