[73-2018]- Autorité de la chose jugée.- Fin de non-recevoir.- Créance indemnitaire.-

par Bastien BRIGNON - Maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille
Affichages : 273

Cass. 3e civ., 18 octobre 2018, n° 17-14.799, publié au bulletin.

En l’espèce, par acte du 9 mars 2000, une SCI a acquis un terrain d’une autre société, sur lequel elle a fait construire un immeuble, après avoir souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès d’une société d’assurance, sous la supervision de plusieurs maîtres d’œuvre. Se plaignant de désordres, la SCI a assigné en indemnisation les locateurs d’ouvrage et leurs assureurs. Un arrêt irrévocable du 31 mai 2011 a condamné l’assureur à garantir les conséquences du sinistre affectant l’immeuble et, in solidum avec les maîtres d’œuvre, à payer une provision à la SCI et a ordonné une expertise. Un jugement du 3 février 2009 ayant prononcé la résolution de la vente du terrain, l’assureur a contesté la qualité à agir de la SCI. Pour rejeter la fin de non-recevoir de l’assureur, la cour d’appel a retenu que l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 31 mai 2011 empêche la société de remettre en cause son obligation de garantir les conséquences du sinistre affectant l’immeuble et impose le rejet de la fin de non-recevoir prise par elle de l’absence d’intérêt à agir de la SCI. Mais, la Cour de cassation exerce sa censure, la cour d’appel ayant violé les articles 31 du Code de procédure civile («l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé») et 1351, devenu 1355, du Code civil («l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité»). Par conséquent, la fin de non-recevoir, qui tend à éviter la condamnation d’un assureur au profit d’une personne n’ayant pas la qualité de créancier, ne porte pas sur le principe de la créance indemnitaire mais sur son titulaire et ne se heurte dès lors pas à l’autorité de la chose jugée découlant d’un arrêt antérieur ayant condamné l’assureur à garantir les conséquences du sinistre affectant un immeuble. Il s’agit d’un arrêt de premier ordre pour lequel l’on renvoie au commentaire de Corinne Bléry pour de plus amples explications (Dalloz actualité, 26 octobre 2018)