[2018-05] - Répression des intrusions dans les parties communes.

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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JOAN Q du 3 avril 2018, p. 2825. Rép. minist. n° 5233.

Interrogée sur l’interprétation juridique qui peut être faite de l’intrusion dans les parties communes d’un immeuble, la ministre de la justice a rappelé que le délit prévu par l’article 226-4, classé dans le Code pénal parmi les infractions contre les personnes, tend à protéger la vie privée et la sécurité des citoyens. Le Code pénal ne définit pas la notion de domicile, qui est une question de fait relevant du pouvoir souverain des juges du fond. La Cour de cassation a précisé que «le domicile ne signifie pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu où, qu’elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux» (ex : Crim., 26 févr. 1963, Bull. crim. 1963, n° 92). La notion de domicile est donc entendue largement par la jurisprudence, incluant les locaux d’habitation, mais aussi leurs dépendances dès lors qu’elles en constituent le prolongement. Il en est ainsi d’une cave (Crim. 19 juin 1957 Bull. crim. n° 513), de la terrasse ou du balcon d’une maison (Crim., 4 mai 1965, Bull. crim. 1965, n° 128 ; Crim. 8 févr. 1994), du couloir d’un immeuble non accessible au public (CA Aix-en-Provence 20 oct. 2003), ainsi que de la cour ou du jardin d’une habitation (Crim. 12 avr. 1938, Bull. crim. 1938, n° 122 ; CA Aix-en-Provence, 17 déc. 2001). Le délit suppose toutefois l’emploi d’un procédé illégitime : manœuvres (procédé astucieux, ruse), menaces, voies de fait (escalade d’un mur ou d’un portail, actes de violence contre les biens ou les personnes) ou contrainte (ex : intrusion en masse d’un groupe de personnes). Il n’est donc pas retenu par la jurisprudence lorsque l’auteur entre dans un domicile en profitant du fait que le portail est resté ouvert (CA Grenoble 31 oct. 1997) ou entrouvert (CA Paris 22 juin 1990). Si l’accès est libre, l’individu qui en a franchi l’entrée sans user de violence ne commet pas de violation de domicile (Crim. 8 déc. 1981, Juris-Data n° 3501). Dans le même sens, une cour d’immeuble non close ne peut être considérée comme un domicile (Crim. 26 sept. 1990, Bull. crim. 1990, n° 321). Une autre qualification peut être envisagée : le délit d’occupation abusive de halls d’immeubles. Créé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, l’article L.126-3 du Code de la construction et de l’habitation dispose que «le fait d’occuper en réunion les espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d’habitation en empêchant délibérément l’accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. Lorsque cette infraction est accompagnée de voies de fait ou de menaces, de quelque nature que ce soit, elle est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende». Peut donc relever de ce texte un attroupement dans des parties communes d’un immeuble ayant empêché la circulation des personnes, en raison de l’attitude même passive des mis en cause.

À noter également :
JOAN Q du 27 mars 2018, p. 2618. Rép. minist. n° 5670 relative aux conditions de retrait d’une société d’attribution d’un bien immobilier en jouissance à temps partagé.