[FISCALITE] Réponse ministérielle.- TVA sur marge.- Terrains à bâtir.- Modalités

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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JOAN Q  du 27 avr. 2021, p. 3651. Rép. minist. n° 35554

Article paru dans les Annales des Loyers N° 06 de juin 2021 

Interrogé sur les modalités d’application de l’article 268 du CGI soumettant, sous certaines conditions, à la TVA sur marge les ventes de terrains à bâtir ou de bâtiments achevés depuis plus de cinq ans, le ministre de l'économie a rappelé que l'article 392 de la directive n° 2006/112/UE relative au système commun de TVA autorise les États membres à taxer sur la marge les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition. Cette faculté, transposée par la France à l'article 268 du CGI, constitue une dérogation au principe selon lequel la TVA doit normalement s'appliquer sur le prix total de la vente.

La mise en œuvre de ce régime dérogatoire de taxation suppose que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à sa qualification juridique. Par suite, la mesure qui conduirait notamment à appliquer le régime de la marge lorsqu'un opérateur acquiert un immeuble bâti, puis procède à sa destruction avant de le revendre en tant que terrain à bâtir, serait critiquable sur le plan de sa conformité au droit de l'Union européenne régissant la TVA. Au demeurant, par la publication au Bulletin officiel des finances publiques -impôts du 13 mai 2020 portant la référence BOI-TVA-IMM-10-20-10, l'administration précise que la validité de cette condition d'identité juridique a été confirmée par le Conseil d'État dans une décision rendue le 27 mars 2020 (n° 428234, « Promialp »). En tout état de cause, étendre le régime de taxation sur la marge à des opérations immobilières qui n'y sont pas éligibles entraînerait une érosion substantielle de l'assiette de la TVA et, par voie de conséquence, une perte de recettes pour l'État. Par ailleurs, si l'administration fiscale estime que le régime de taxation sur la marge s'applique en présence de travaux qui ne conduisent pas à un changement de qualification du bien au regard de la TVA et, s'agissant des terrains, d'aménagements permettant leur desserte par divers réseaux ainsi qu'en cas de passage de terrain non à bâtir à terrain à bâtir, le Conseil d'État a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 392 de la directive TVA dans les deux cas suivants : d'une part, lorsque des terrains acquis non bâtis, sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir et, d'autre part, lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunications). Dans cette affaire (question préjudicielle C-299/20, «Icade Promotion Logement», sur renvoi préjudiciel du Conseil d'État n° 416727 du 25 juin 2020), la Cour aura ainsi à se prononcer sur la nécessité d'une identité juridique ou matérielle entre le bien acquis et le bien revendu pour l'application du régime de taxation sur la marge. Comme l'interprétation que la Cour formulera s'imposera à tous les États membres qui ont recours au dispositif de l'article 392 de la directive TVA, il n'est pas envisagé de faire évoluer le dispositif de taxation sur la marge des opérations immobilières dans l'intervalle. Enfin, il est confirmé que la circonstance qu'un bien immobilier figure comptablement à l'actif circulant (en stock) ou à l'actif immobilisé de l'assujetti est dépourvue d'incidence sur l'application du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 268 du CGI.