[32-2025].- Modification notable des facteurs locaux de commercialité.- Déplafonnement

par Bastien BRIGNON, Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille - Avocat
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Cass. 3e civ., 18 septembre 2025, n° 24-13.288, FS-B, publié au Bulletin

Article paru dans les Annales des Loyers N° 11 de Novembre 2025 

Conformément à l’article L. 145-34 du Code de commerce, texte qui n’est pas d’ordre public, le loyer peut être déplafonné lors du renouvellement du bail commercial en cas de modification notable des facteurs locaux de commercialité. Selon l’article R. 145-6 du Code de commerce, «Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire». Dans ces conditions, que signifie une «modification notable» ? Dans l’arrêt du 18 septembre 2025, la Cour de cassation précise qu’il résulte des articles L. 145-34 et R. 145-6 du Code de commerce que la modification notable des facteurs locaux de commercialité constitue un motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé si elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale effectivement exercée par le locataire, indépendamment de son incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux. Ce faisant, cet arrêt reprend la motivation de l’arrêt du 14 septembre 2011 (Cass. 3e civ., 14 sept. 2011, n° 10-30.825, publié ; voir égal. : Cass. 3e civ., 25 janv. 2024, n° 22-21.006), qui contrastait avec un autre arrêt ayant retenu l’incidence «particulière» (Cass. 3e civ., 9 juill. 2008, n° 07-16.605). A y regarder de plus près, l’arrêt du 18 septembre 2025 va tout de même un plus loin que l’arrêt du 14 septembre 2011 puisqu’il précise qu’il n’est pas nécessaire d’établir la preuve de l’incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux pour que le déplafonnement soit retenu dès lors que la modification notable est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale effectivement exercée par le locataire. Pour le dire autrement, il suffit que la modification notable des facteurs locaux de commercialité puisse avoir un effet favorable sur l’activité exercée pour que le déplafonnement soit acquis, sans pour autant que cette incidence soit effectivement mesurable dans l’activité du locataire, celui-ci, en commerçant diligent, devant savoir profiter de cette modification notable. Pour le dire encore plus simplement, constitue un motif de déplafonnement une modification favorable à l’activité commerciale effectivement exercée par le locataire, indépendamment de son incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux. C’est ce que ceux certains nomment l’«appréciation in abstracto de l’incidence favorable d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité» (J.-D. Barbier er S. Valade, Dalloz actualité, 29 sept. 2025 ; A. Confino, Veille Permanente de Droit des Affaires Éditions législatives,27 oct. 2025 ; Contra, note de A. Antoniutti ; Lexbase affaires, 23 oct. 2025). Cette précision est d’importance, tellement qu’elle érige sans doute la décision du 18 septembre 2025 au rang des arrêts doctrinaux.


À lire également :

  • 33-2025.- Obligation de délivrance du bailleur.- Obligation du preneur de réaliser les travaux

  • 34-2025.- Exception d’inexécution.- Mise en demeure préalable

  • 35-2025.- Congé.- Refus de renouvellement.- Refus de paiement de l’indemnité d’éviction

Articles parus dans les Annales des Loyers N° 11 de Novembre 2025 

ADL Novembre 2025