[01-2023].- Loyers COVID exigibles

par Bastien BRIGNON, Maître de conférence à l'Université d'Aix-Marseille Avocat
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Cass. 3e civ., 23 novembre 2022, trois arrêts, n° 21-20.187, publié au bulletin

Article paru dans les Annales des Loyers N° 01-02 de janvier-février 2023

L’effet de la mesure gouvernementale d’interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d’une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d’autre part, assimilé à la perte de la chose au sens de l’article 1722 du Code civil. En statuant ainsi, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui d’ailleurs cite son arrêt de principe du 30 juin 2022 (n° 21-20.127), confirme la position adoptée le 30 juin dernier par les trois arrêts qui ont décidé que les périodes d’interdiction d’accueil du public ne pouvaient exonérer les locataires du paiement de leur loyer comme n’étant constitutives ni d’une inexécution de l’obligation de délivrance du bailleur, ni d’un cas de force majeure, ni d’une perte de la chose.

Dans la présente affaire, il s’agissait d’une décision qui avait été rendue en référé ayant condamné la locataire par provision à payer les loyers au motif que l’obligation n’était pas sérieusement contestable. Au cas particulier, la cour d’appel, pour se prononcer comme elle l’avait fait, avait relevé que l’interdiction de recevoir les clients résultait de raisons étrangères aux locaux loués qui n’avaient subi aucun changement et que les mesures d’interdiction, qui ne sont ni du fait, ni de la faute du bailleur, ne constituent pas une circonstance affectant le bien emportant perte de la chose louée. Cette position de la Cour de cassation est donc maintenue, et même fermement, ce d’autant plus que la troisième chambre civile a rendu le même jour un second arrêt publié également au bulletin (n° 22-12.753) se prononçant en sens identique. Le bail consenti à l’exploitant d’une résidence étudiante prévoyait qu’en cas de circonstance exceptionnelle et grave (telles qu’incendie de l’immeuble, etc.) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, le loyer ne sera pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance. La cour d’appel statuant en référé avait condamné la société locataire au paiement des loyers par provision alors que celle-ci invoquait la disposition du bail prévoyant qu’en cas de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu’incendie de l’immeuble, etc.), affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale (…) le loyer (…) ne sera pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance. La société locataire soutenait que les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion qui avaient imposé l’état d’urgence sanitaire rentraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées. Or, pour rejeter le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel écartant l’argumentation de la société locataire, la Cour de cassation relève que la société locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien.