[LOCATION IMMOBILIÈRE] - Devoir de contrôle des plateformes : tout travail ne mérite pas salaire.

par Guilhem GIL - Maître de conférences Aix-Marseille Université
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Cass. 3e civ., 31 janv. 2019, n° 18-40.042 et 18-40.043

La Cour de cassation a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 324-2-1 du Code du tourisme (Cass. 3e civ., 31 janv. 2019, n° 18-40.042 et 18-40.043). Ce texte a été créé par la loi ALUR du 24 mars 2014 lors des premières tentatives d’encadrement législatif de la pratique des offres de locations touristiques par le truchement de plateformes numériques. Il a vu son contenu progressivement s’enrichir au fur et à mesure du renforcement de ce cadre juridique, notamment par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et en dernier lieu par la loi ELAN du 23 novembre 2018. En substance, ce texte prévoit que les plateformes numériques s’entremettant dans la mise en location d’un meublé de tourisme doivent accomplir de nombreuses diligences : informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables ; recueillir une déclaration sur l’honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale ; faire apparaître le numéro de déclaration du logement, obtenu en application de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme ; veiller à ce que le logement proposé à la location ou à la sous-location ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an et enfin informer, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué. En l’espèce, la question prioritaire de constitutionnalité est née à l’occasion de litiges opposant la ville de Paris à certaines plateformes que la collectivité publique avait assignées aux fins de voir ordonner la mention, sur plusieurs annonces publiées sur leur site, du numéro d’enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune exigée pour la location de courte durée à une clientèle de passage et, à défaut, leur suppression, et l’interdiction de publier des annonces sur la Ville de Paris qui ne mentionnent pas un numéro d’enregistrement. Les plateformes ont alors soulevé la question prioritaire en estimant que la disposition contestée apparaissait incompatible avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques consacré par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dès lors que les plateformes sont tenues d’assumer une succession d’obligations destinées à faire échec à la diffusion d’annonces illicites, sans même leur offrir une indemnisation. La Cour de cassation a estimé que la question ne présentait pas un caractère sérieux dès lors que les obligations prévues par l’article L. 324-2-1 du Code du tourisme sont justifiées par un motif d’intérêt général, la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et la régulation des dysfonctionnements du marché, qu’elles s’imposent à toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, à la mise en location d’un logement soumis à l’article L. 324-1-1 du même Code et aux articles L. 631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et qu’elles sont en lien direct avec son activité, de sorte qu’il n’en résulte pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. La Cour a donc refusé de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.