[CONSTRUCTION] - La clause d’exclusion de solidarité permet à l’architecte de faire cavalier seul.

par Guilhem GIL - Maître de conférences Aix-Marseille Université
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Cass. 3e civ., 14 février 2019, n° 17-26.403

En cas de pluralité de fautifs dans la survenance de désordres avant réception, donc à une époque régie par la responsabilité contractuelle, une clause d’exclusion de solidarité permet-elle à son bénéficiaire d’éviter d’être engagé in solidum avec les autres responsables ? L’enjeu est important lorsque celui-ci, bien qu’ayant une part de responsabilité moindre que les autres intervenants, présente le profil type du débiteur solvable en raison de son assujettissement à une obligation d’assurance.  Dans cette affaire (Cass. 3e civ., 14 février 2019, n° 17-26.403), les premiers juges avaient condamné in solidum les auteurs sans tenir compte de l’existence de la clause insérée dans le contrat de l’architecte prévoyant que celui-ci ne pouvait «être tenu responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omissions du maître d’ouvrage ou des autres intervenants dans l’opération».  Appelés à statuer sur cette clause, les juges d’appel (CA Paris, pôle 4, 6e ch., 12 mai 2017, n° 15/16869) posèrent deux principes. D’une part, une telle clause, qui ne plafonne pas l’indemnisation que l’architecte doit en réparation d’une faute contractuelle, ne crée pas au détriment du consommateur de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle ne peut donc être déclarée nulle car abusive. D’autre part, l’application d’une telle clause n’est pas limitée à la responsabilité solidaire, qu’elle ne vise qu’en particulier. Elle est donc applicable également à la responsabilité in solidum. C’est sur ce second principe qu’était attaquée la décision devant la Cour de cassation. Cette dernière rejette le pourvoi. Elle estime que c’est par une interprétation souveraine que les juges du fond ont estimé que son application n’était pas limitée à la responsabilité solidaire, qu’elle ne visait “qu’en particulier”.  La cour d’appel en a alors déduit à bon droit qu’elle s’appliquait également à la responsabilité in solidum. Cet arrêt vient donc confirmer le virage jurisprudentiel amorcé avec une décision antérieure qui avait affirmé que le juge est tenu de respecter les stipulations contractuelles excluant les conséquences de la responsabilité solidaire ou in solidum d’un constructeur en raison des dommages imputables à d’autres intervenants (Cass. 3e civ., 19 mai 2013, n° 11-25.266 : RDI 2013, p. 316, obs. B. Boubli).