[PROPRIÉTÉ] Décision de justice.- Expulsion.- Voie de fait

par Guilhem GIL, Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Tribunal des conflits, 11 mars 2024, n° 4301

Le Tribunal des conflits a été appelé à déterminer l'ordre de juridiction compétent pour connaître d'une action tendant à la réparation du préjudice subi à raison des conditions dans lesquelles les services de l'Etat ont procédé à l'exécution forcée, au moyen de la force publique, d'un jugement prononçant l'expulsion d'occupants d'un campement édifié sans droit ni titre sur un terrain relevant du domaine privé d'un département. Le Tribunal a rappelé qu’hors l’hypothèse d’une voie de fait, il appartient à la juridiction administrative de connaître d’un litige tendant à la réparation par l’Etat du préjudice subi par la personne visée par un jugement ordonnant son expulsion à raison de la décision de l’administration de faire procéder à l’exécution forcée de ce jugement au moyen de la force publique. Il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité  administrative. En l’espèce, il ne ressortait pas des pièces du dossier que les opérations litigieuses, décidées en exécution d’une décision de justice, auraient été réalisées dans des conditions irrégulières. En particulier, le préfet n’était pas tenu de faire précéder la mise en œuvre de l’expulsion de la mise en demeure de quitter les lieux prévue par l’article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution en cas d’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité, dès lors que l’expulsion avait, en l’espèce, été prononcée par le juge judiciaire des référés en vue de prévenir un dommage imminent. Ces opérations n’étaient pas non plus manifestement insusceptibles d’être rattachées à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. Elles ne pouvaient, par suite, être qualifiées de voie de fait et, dès lors, la juridiction administrative a été déclarée seule compétente pour connaître du litige.