[BAIL] Décision de justice.- QPC.- Expulsion.- Trêve hivernale.- Covid 19.- Prolongation

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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CE, 5e et 6e ch. réunies, 28 octobre 2022, n° 466443, inédit

Le Conseil d’Etat a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant, dans le contexte de la crise sanitaire du Covid 19, sur les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale, puis celles de l'article 10 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Selon le requérant, de telles dispositions, ayant eu pour effet de faire obstacle à ce que le concours de la force publique soit mis en œuvre pour procéder à l'expulsion des occupants de logements à usage d'habitation, auraient tout d’abord porté atteinte principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce grief a été écarté par le Conseil qui a souligné que ce dispositif a été motivé par l'objectif d'intérêt général de santé publique consistant à réduire les déplacements et interactions individuels pendant cette phase de la crise sanitaire, par le respect des exigences découlant, en matière de logement durant cette période, de la dignité de la personne humaine ainsi que par l'objectif d'intérêt général de préservation de l'ordre public. De surcroît, la prolongation de la période de sursis résultant des dispositions contestées a été limitée à la durée de l'état d'urgence sanitaire, sans extension des catégories d'occupants susceptibles de bénéficier de telles mesures de sursis.

Le Conseil a également écarté le second grief invoqué par le requérant et tiré d’une méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que les dispositions litigieuses auraient remis  en cause de manière rétroactive le droit des bailleurs ayant obtenu, avant leur entrée en vigueur, une décision accordant le concours de la force publique pour exécuter un jugement d'expulsion. Estimant que ces dispositions se bornaient à différer, pour des motifs d'intérêt général, les effets qui peuvent être légitimement attendus des jugements d'expulsion, et soulignant que, de manière générale, la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion conduisant à ce que l'exécution de celle-ci puisse être regardée comme susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine peut légalement justifier le refus de prêter le concours de la force publique, le Conseil a considéré que les dispositions litigieuses ne portaient pas au droit au recours ni aux situations légalement acquises d'atteinte qui serait contraire à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La juridiction en a alors conclu que la question prioritaire de constitutionnalité ne présentait pas un caractère sérieux et qu’il n’y avait donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.