[PROPRIÉTÉ] Décision de justice.- Servitude.- Ligne électrique.- Compétence judiciaire

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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TC, 14 juin 2021, n° 4208

Article paru dans les Annales des Loyers N° 07-08 de juillet-août 2021 

Le Tribunal des conflits a été appelé à déterminer l’ordre de juridiction compétent pour connaître d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant du refus de déplacement d'une ligne électrique implantée sur une propriété privée. En l’espèce, des particuliers avaient acquis un terrain non bâti en vue d’y faire édifier une maison. Ce terrain étant grevé d’une servitude d’utilité publique relative au passage d’une ligne électrique aérienne à haute tension, le couple avait reçu une proposition écrite d’Enedis, pour un déplacement de la ligne électrique, à ses frais, compatible avec leur projet de construction, pour lequel ils avaient obtenu un permis de construire. Alors que les travaux devaient débuter, Enedis les avait informés que le déplacement ne pourrait avoir lieu selon le plan envisagé, dès lors qu’il supposait de déplacer un pylône implanté sur la parcelle voisine et que le propriétaire de celle-ci s’y refusait. Faute d’accord avec Enedis sur une autre solution technique, le couple avait renoncé à son projet, mis en vente la parcelle et saisi le tribunal de grande instance pour obtenir la condamnation d’Enedis à les indemniser. Le juge de la mise en état ayant déclaré ce tribunal incompétent, le tribunal administratif, qui avait estimé quant à lui que le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire, a sursis à statuer et saisi le Tribunal des conflits. Ce dernier, après avoir rappelé les termes des articles L. 323-4, L. 323-6 et L. 323-7 du Code de l’énergie a estimé  que, si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d'entretien des ouvrages relèvent de la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien. En l’espèce, les préjudices dont les requérants demandaient réparation étaient liés à l’impossibilité d’exercer leur droit de bâtir en raison de l’absence de déplacement de la ligne électrique, quand bien même ils résulteraient de l’inexécution par Enedis de la convention qui aurait été conclue par suite de leur acceptation de la proposition relative aux modalités de déplacement de la ligne. Selon le Tribunal, il suit alors de là que les conclusions tendant à la réparation de ces préjudices relèvent de la compétence du juge de l’expropriation.