Le droit de propriété du syndicat sur un lot

par Pierre-Édouard Lagraulet - Docteur en droit, avocat & Camille Irvas - Docteur en droit, avocat
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©frank29052515/AdobeStock_497394241Le lot du syndicat des copropriétaires (1/2)

 

L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que la collectivité des copropriétaires est constitué en un syndicat doté de la personnalité civile. Cette qualité permet utilement au groupement d’administrer et de représenter à l’égard des tiers un patrimoine collectivement affecté dont il n’est pas propriétaire (les parties communes). L’article 16, alinéa 1er, de cette même loi complète utilement ce dispositif en permettant au syndicat d’acquérir ou de disposer des parties communes ou de droits réels immobiliers au profit ou à la charge de ces dernières. Certains parlent de «fiction» alors qu’il s’agit d’un simple mécanisme de représentation de la collectivité des copropriétaires par la personne morale constituée à cette fin. C’est son but, résultant de l’affectation opérée par ses membres, ainsi qu’a pu le démontrer le professeur Guinchard. 

Propos liminaires

Le syndicat des copropriétaires est, comme toute personne juridique, titulaire d’un patrimoine, même si ce mot n’apparaît jamais dans la loi de 1965 ou son décret d’application. La jurisprudence a néanmoins pu le préciser sans ambages, en particulier pour le distinguer de celui de ses membres. C’est ainsi que le syndicat des copropriétaires sera ordinairement titulaire de créances, notamment sur les copropriétaires débiteurs de charges. En ce sens, le syndicat est titulaire d’un patrimoine qui lui est spécialement apporté par les copropriétaires afin de réaliser son but. En outre, d’après l’alinéa 2 de l’article 16 de la loi di 10 juillet 1965, le patrimoine du syndicat pourra également être composé de droits réels puisqu’il pourra «acquérir par lui-même, à titre onéreux ou gratuit, des parties privatives sans que celles-ci perdent pour autant leur caractère privatif». Il est également précisé qu’il «peut les aliéner». Il est intéressant à ce stade de relever qu’il n’est pas question pour le syndicat d’être propriétaire d’un lot, mais seulement de parties privatives, comme si elles pouvaient être détachées des parties communes. L’article 35 de la loi du 10 juillet 1965, in fine, précise toutefois l’hypothèse dans laquelle le syndicat aurait mis en œuvre son droit de surélever pour ensuite vendre les lots issus de l’opération de construction. Il en est alors le propriétaire. La jurisprudence a également précisé, que le syndicat des copropriétaires peut acquérir un lot par prescription acquisitive.

De ces éléments, la doctrine, comme la pratique, considèrent de longue date, malgré l’ambiguïté du texte de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, que le syndicat peut être propriétaire d’un lot de copropriété. Cette situation peut néanmoins paraître atypique et même problématique. La gestion de ce lot pose d’ailleurs de nombreuses difficultés en dehors même du décompte des voix lors de l’assemblée générale : la répartition de la quote-part de charges, l’administration des parties privatives en particulier en cas de bail, etc. Dans tous les cas, la logique paraît reposer sur la notion d’indivision et non de patrimoine propre au syndicat. Ainsi, comptablement, et souvent fiscalement, la propriété acquise par le syndicat est indifférenciée de celle de ses membres. C’est toute la problématique du sujet de la propriété d’un lot par le syndicat des copropriétaires. Pour l’illustrer et la résoudre, nous proposons de traiter dans ce numéro de la question de la disposition du lot au profit ou par le syndicat des copropriétaires. Une seconde partie portant sur l’administration par le syndicat des copropriétaires sera traîtée dans un numéro ultérieur.

En sa qualité de personne morale, le syndicat des copropriétaires peut parfaitement constituer un patrimoine composé de droits réels. Une telle possibilité n’est toutefois pas sans limite. Le syndicat des copropriétaires voit, en effet, son champ d’action limité en vertu du principe de spécialité des personnes morales. En vertu de ce principe, ses activités sont limitées à la réalisation de son objet. 

L’objet du syndicat des copropriétaires se cantonne ainsi à la conservation, l’amélioration de l’immeuble et l’administration des parties communes. C’est ainsi selon cette limite, interdisant au syndic de se livrer à des opérations purement spéculatives, que le syndicat des copropriétaires pourra accomplir des actes de disposition sur un lot de copropriété (I). En toutes hypothèses, le patrimoine du syndicat des copropriétaires permettra alors d’affecter des «biens à la réalisation du but commun», ce qui aura une incidence très nette sur l’hypothèse de la cession du lot acquis par le syndicat (II).

Article paru dans les Annales des Loyers N° 09 de septembre 2022
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