La protection jurisprudentielle des prérogatives de l’assemblée générale

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Copropriété - Assemblée généraleAux termes de l’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires. Reformulé par une décision des juges du fond, le principe est donc que, dans le cadre juridique de la copropriété, l’organisme décideur souverain est l’assemblée générale qui peut décider à loisir ce qu’elle veut, dans les limites fixées par la loi et le règlement de copropriété.

Cette souveraineté de l’assemblée trouve à se déployer dans les domaines les plus divers. Ainsi, sans prétention à l’exhaustivité, l’assemblée est souveraine pour accorder ou refuser une autorisation de scission ou de travaux, pour décider de la modification ou de la mise à jour du règlement de copropriété, pour autoriser ou non le syndic à agir en justice au nom et pour le compte du syndicat, pour ratifier des travaux déjà exécutés, pour adopter une nouvelle répartition des charges ou un nouvel état descriptif de division préalable à la modification du règlement, pour déterminer l’affectation d’indemnités versées au syndicat ou encore pour approuver les comptes et donner quitus au syndic pour sa gestion.

Cette souveraineté, qui ne saurait s’exercer que dans le cadre du fonctionnement interne de la copropriété et dans les limites de la loi et du règlement de copropriété, demeure cependant fragile. Elle est, en effet, périodiquement menacée par les visées de ceux pour lesquels elle constitue un obstacle et qui cherchent potentiellement à se substituer au pouvoir décisionnel de l’assemblée. Il a alors incombé aux tribunaux de défendre la règle cardinale selon laquelle «les décisions prises en assemblée générale et adoptées par un vote expriment seules la volonté collective des membres du syndicat». On ne peut à cet égard manquer de souligner que les tribunaux sont les premiers à se garder d’enfreindre les prérogatives de l’assemblée en rappelant notamment régulièrement qu’il est de principe qu’il n’appartient pas au juge d’apprécier l’opportunité des décisions prises par la collectivité des copropriétaires, le juge ne pouvant s’immiscer dans la gestion de la copropriété et sa compétence se limitant à apprécier la légalité de la demande dont il est saisi. Et à en croire certaines décisions, et même si cela peut prêter à discussion, ce respect se déploie jusque dans le cadre du contrôle de l’abus de majorité, celui ne pouvant porter sur le contrôle de l’opportunité des décisions prises par l’assemblée.

Cette protection jurisprudentielle des prérogatives de l’assemblée s’est alors développée, tout d’abord, contre les rédacteurs du règlement. Que ce soit par inadvertance, maladresse, obsolescence ou plus rarement par volonté délibérée de porter atteinte aux règles du statut, le règlement contient parfois des clauses dépouillant l’assemblée générale de ses prérogatives. Ont ainsi été considérées comme illicites les clauses qui tendent, en amont, à influer sur les modalités de mise en place du processus décisionnel. Tel est le cas des stipulations ôtant à l’assemblée la faculté de voter sur la désignation de ses propres organes et imposant par anticipation la nomination du président de l’assemblée ou des scrutateurs. Plus gravement attentatoires encore aux prérogatives de l’assemblée sont les clauses du règlement qui la dépouillent de son pouvoir décisionnel. Ont alors été réputées non écrites les clauses du règlement autorisant un copropriétaire à effectuer sans autorisation de l’assemblée générale des travaux, même précisément définis, sur les parties communes de l’immeuble. Une même illicéité frappe les stipulations ayant pour effet de priver par avance l’assemblée générale des pouvoirs de disposition sur les parties communes qu’elle tient des règles d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965.

La vigilance du juge a, ensuite, été dirigée contre les membres du syndicat eux-mêmes. Avant que les réformes récentes ne viennent consacrer, heureusement dans le seul champ restreint du nouveau régime applicable aux petites copropriétés, la prise de décision hors assemblée, les tribunaux avaient rigoureusement condamné tout recours à la consultation écrite des membres du syndicat, une telle décision prise hors du cadre de l’assemblée générale, même à l’unanimité, étant dépourvue de toute valeur juridique. Ont été semblablement réprouvées les réunions informelles de copropriétaires, les décisions adoptées à leur issue n’ayant pas davantage de valeur juridique.

Enfin, les tribunaux ont dû veiller à ce que chacun des organes du syndicat se renferme strictement dans le champ des prérogatives octroyées par le statut de la copropriété. Si la jurisprudence n’est pas exempte de conflits entre l’assemblée et le conseil syndical, le second tentant parfois de s’arroger les prérogatives de la première, c’est essentiellement entre l’assemblée et le syndic que se situent les tensions les plus courantes. A l’instar des hypothèses concernant le règlement de copropriété, ces situations conflictuelles concernent tantôt en amont le cadre de la prise de décision (I), tantôt en aval la prise de décision elle-même (II).

Article paru dans les Annales des Loyers N° 09 de septembre 2021

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