[16-2019].- Résiliation judiciaire.- Non-paiement des loyers.- Copreneurs.- Mise en demeure.- Agissements de nature à compromettre la bonne exploitation.-

par Didier KRAJESKI - Professeur des universités Toulouse Capitole
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Cass. 3e civ., 7 février 2019, n° 17-31.024, inédit

Un GFA, propriétaire de terres données à bail à deux époux, bail mis à disposition d’une SCEA, décide d’exercer une action en résiliation fondés sur des manquements des preneurs. Sur le fondement de l’article L. 411-31, deux types de manquements sont invoqués : le non-paiement des loyers et des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Les juges du fond estiment, sur les deux motifs, que la résiliation du bail doit être prononcée. En parfaite symétrie, la Cour de cassation estime que la décision doit être cassée, des griefs pouvant être faits à la décision des juges du fond sur chacun des motifs.
Sur la question du défaut de paiement, d’abord, l’arrêt est l’occasion d’une précision intéressante. Dans une formule que l’on retrouve dans une précédente décision (Cass. 3e civ., 23 juin 2016, n° 15-10.315), il est reproché aux juges du fond de n’avoir pas répondu aux conclusions soutenant qu’une seule lettre de mise en demeure avait été émise quand, en présence de copreneurs, chacun devait être destinataire d’une telle lettre. En creux, il faudrait donc comprendre que, non seulement la mise en demeure doit viser chacun des copreneurs, mais, qu’en outre, la mise en demeure doit se faire par des actes séparés. On s’aligne, concernant la première
proposition, sur le régime appliqué en cas de congé pour reprise. On peut se demander si, concernant la deuxième proposition, un assouplissement pourrait être admis dans le cas où la mise en demeure aurait lieu par acte d’huissier ? (Sur ce point, S. Crevel, obs. sous Cass. 3e civ., 17 févr. 2010, n° 09-12.989, bull. civ. III, n° 49, RD rur. 2010, 76)
Sur la question des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation, la solution est assez classique mais pas non plus dénuée de subtilité. Dans une formule désormais connue, la Cour de cassation rappelle que les motifs de résiliation s’apprécient à la date de la demande (Cass. 3e civ., 23 nov. 2015, n° 14-21.847). La solution vaut d’ailleurs pour tous les motifs de résiliation pour inexécution, y compris celui que nous venons d’évoquer. En l’espèce, les juges fondent leur décision sur des photographies prises par un huissier postérieurement à la décision des premiers juges pour retenir, notamment, une occupation désordonnée des bâtiments, l’abandon de l’exploitation, la désertion des parcelles… on voit bien l’erreur d’appréciation commise ici. Elle ne semble d’ailleurs pas résulter de la date des photographies. Ce n’est pas, en effet, la date des éléments de preuve qui compte, mais le fait que ces éléments ne démontrent pas que les agissements dénoncés existaient au moment où la juridiction a été saisie de la demande en résiliation.