[48-2017] - Fermages.- Défaut de paiement. - Validité de la mise en demeure.- Procédures collectives.

par Didier KRAJESKI Professeur des universités Toulouse Capitole
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Cass. 3e civ., 7 septembre 2017, n° 16-19.874, publié au bulletin.

Une SCEA est reconnue titulaire de baux ruraux à l’issue d’un contentieux avec la propriétaire des terres. Cette dernière est mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire. Pendant la période d’observation, elle émet deux mises en demeure afin d’obtenir la résiliation du bail pour non-paiement des fermages pour cinq années d’occupation des lieux. Les mises en demeure reproduisent les dispositions de l’article L. 411-53 dans leur rédaction antérieure à l’Ordonnance du 13 juillet 2006. La cour d’appel saisie décide, d’abord, que ces mises en demeure sont dépourvues de validité et, ensuite, que le preneur doit les loyers litigieux et que cette dette doit être inscrite au passif de la liquidation de la bailleresse. La Cour de cassation cassera l’arrêt sur le dernier point.


Le pourvoi est rejeté sur le premier point : la question de la validité des mises en demeure. La présente chronique est régulièrement l’occasion de discuter de la validité du congé donné en fin de bail. Il est plus rare que soit discutée la validité des mises en demeure de payer les loyers. En vertu de l’article L. 411-31, I, du Code rural et de la pêche maritime, la question se pose cependant puisqu’il est prévu que «cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition». La formulation du texte appelle à préciser que, deux défauts de paiement étant nécessaires pour encourir la nullité, deux mises en demeure sont requises en principe, mais un seul délai de 3 mois suffit. L’article R. 411-10 prévoit que la mise en demeure de résilier puisse être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En l’espèce, la mise en demeure ne reproduit pas les termes de l’article L. 411-31 mais ceux de l’article L. 411-53. Un peu d’histoire explique peut-être cette erreur qui n’est d’ailleurs pas isolée (Cass. 3e civ., 8 févr. 2006, n° 05-10.265, RD rur. 2006, 55). Avant l’Ordonnance du 13 juillet 2006, l’article L. 411-53, dédié au congé en fin de bail comme il l’est toujours aujourd’hui, énonçait les causes de résiliation du bail rural. Par souci de clarté, ces hypothèses ont été déplacées dans le texte consacré à la résiliation du bail (article L. 411-31) et l’article L. 411-53 se borne désormais à renvoyer à cet article pour rappeler que le refus de non-renouvellement en fin de bail peut se fonder sur les causes de résiliation. La bailleresse, en visant l’ancienne mouture de la disposition, qui rappelait les hypothèses de résiliation, a-t-elle fait parvenir une mise en demeure régulière ? La Cour de cassation estime que ce n’est pas le cas puisque, quelle que soit la date considérée du texte, il s’est toujours appliqué au congé et non à la résiliation. Même la version ancienne du texte, pourtant moins lapidaire que la nouvelle, ne sauve pas la mise en demeure ! Au passage, on observera que l’article R. 411-10 n’est pas à jour puisqu’il vise l’article L. 411-53 alors qu’il devrait désormais viser l’article L. 411-31…


Il faudra donc tenir compte de cette rigueur de la jurisprudence à l’égard des mises en demeure de payer les fermages. Leur perfection suppose de reproduire les dispositions de l’article L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime.


Sur le second point traité par l’arrêt, on ne saurait être surpris de la censure opérée par l’arrêt. L’ouverture d’une procédure collective opère suspension des poursuites individuelles (C. com., art. L. 622-21). Si les instances en cours reprennent, elles ont uniquement pour but de constater l’existence de la créance et de fixer son montant (C. com., art. L. 622-22). Ces règles interviennent dans un dispositif conçu pour opérer une gestion globale des difficultés d’un débiteur. Elles ne peuvent donc concerner que ses dettes et non ses créances. En l’occurrence, la bailleresse est créancière des fermages, non pas débitrice. Il n’est donc pas possible d’appliquer la règle restreignant l’objet des recours à sa demande.