[15-2019].- Reprise pour exploiter.- Contrôle a posteriori.- Charge de la preuve.-

par Didier KRAJESKI - Professeur des universités Toulouse Capitole
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Cass. 3e civ., 7 février 2019, n° 17-31.783, inédit

La reprise pour exploiter fait l’objet d’un contrôle assez lourd puisqu’il existe un double contrôle. D’abord s’exerce un contrôle a priori si le preneur défère le congé. Il se développe à partir des conditions posées par le Code rural et de la pêche maritime concernant la forme du congé, sa date d’émission, ses mentions, et les conditions à remplir par le repreneur, indiquées dans l’article L. 411-59. Une des décisions rendues ce mois-ci rappelle que les conditions de fond de la reprise s’apprécient à la date pour laquelle le congé a été donné (Cass. 3e civ., 7 février 2019, n° 18-10.739). Une autre précision s’impose qui a un lien avec la décision retenue ici : lorsque le congé est déféré, il appartient au bailleur de démontrer que les conditions de la reprise sont remplies. Ce contrôle a priori est complété, ensuite, par un contrôle a posteriori qui pourra aboutir à une réintégration du preneur sur le fondement de l’article L. 411-66 du Code rural et de la pêche maritime. En l’espèce, ce sont des dommages et intérêts qui sont sollicités sur ce fondement. Les juges du fond ne font pas droit à cette demande, et le pourvoi formé contre l’arrêt est rejeté. Il l’est d’ailleurs fort logiquement. Le preneur évincé reproche aux juges du fond de n’avoir pas retenu que le bénéficiaire devait justifier répondre aux conditions de la reprise. C’est se tromper de contrôle. Concernant le contrôle a posteriori, la jurisprudence a admis depuis longtemps qu’il appartient au demandeur de démontrer l’un des deux agissements visés par le texte : le non-respect des obligations incombant au repreneur ou la tentative de fraude (Cass. 3e civ., 13 oct. 1999, n° 98-10.189, Bull. civ. III, n° 142, Rev. loyers 2000, 198, obs. B. Peignot). Ici, les éléments versés au soutien de la demande étaient assez équivoques : une activité semblait bien se développer sur les lieux loués mais pas tout à fait celle prévue. L’arrêt rappelle donc la différence de régime entre les deux contrôles. Il convient de noter qu’ils sont aussi autonomes l’un par rapport à l’autre. Il faut comprendre par-là que le preneur évincé peut fonder une demande sur l’article L. 411-66, même s’il n’a pas déféré le congé. Cela dit, la présente décision indique l’intérêt qu’il peut avoir à le faire !