[19-2025].- Contrôle a posteriori.- Mise à disposition

par Didier KRAJESKI, Professeur des universités, Toulouse Capitole
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Cass. 3e civ., 3 juillet 2025, n° 24-12.565, inédit

Article paru dans les Annales des Loyers N° 10 de Octobre 2025 

Un bailleur, après avoir consenti un bail à long terme, décide d’exercer une reprise pour exploiter personnellement. Un contrôle a priori est exercé aboutissant à la validation du congé. Quelques années après cette reprise, le preneur évincé intente une action contre le repreneur sur le fondement de l’article L. 411-66 du Code rural et de la pêche maritime. Il lui reproche d’avoir manqué aux obligations auxquelles il est tenu en vertu de l’article L. 411-59. Il apparaît qu’il a mis les terres à disposition d’une société par application de l’article L. 411-2 au bout de quelques années d’exploitation. Il est actionnaire ultra majoritaire de cette société (1896 parts sur 1897). Associé avec son fils, il se propose de lui transmettre, à terme, l’activité. Il n’a d’ailleurs pas fait mystère de ce projet lors du contrôle a priori. Les faits étant ainsi posés, on comprendra que les juges du fond n’aient pas vu dans la situation une violation des dispositions de l’article L. 411-59. La Cour de cassation rejette logiquement le pourvoi.

La reprise fait l’objet d’un double contrôle que la jurisprudence s’évertue à rendre cohérent (D. Krajeski, Droit rural, Defrénois, 3e éd. 2024, n° 172). On sait que, dans le cadre du contrôle a priori, la Cour de cassation est particulièrement regardante sur le mode d’exploitation des terres (par exemple : Cass. 3e civ., 9 sept. 2021, n° 19-24.542, RD rur. 2021, 238, obs. S. Crevel). Sans ambiguïté, le repreneur doit indiquer s’il entend exploiter sous forme individuelle ou dans un cadre sociétaire. Il est important de rappeler que l’article L. 411-59 autorise les deux modes dès lors qu’il ne se borne pas à la direction et la surveillance. Le contrôle a posteriori, subordonné aux éléments de preuve apportés par le preneur évincé, permet de solliciter des sanctions lorsque «le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions prévues aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 ou que le propriétaire n’a exercé la reprise que dans le but de faire fraude aux droits du preneur…». Sur le fondement de ces textes, le preneur évincé semble exiger que la situation du repreneur soit figée pendant neuf années. Les textes n’en demandent cependant pas tant. Certes, le repreneur doit exploiter personnellement les lieux loués pendant ce délai. Il n’y a cependant aucune fraude ou inexécution de sa part à préparer une future transmission dans le délai. L’important est que cette transmission ne s’opère pas pendant le délai (sauf, tout de même, cas de force majeure : Cass. 3e civ., 23 juin 1971, n° 70-10.763, Bull. civ. 1971, n° 308). Tout est affaire de tempo.


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