[FISCALITÉ] - Rapport.- Les dépenses fiscales en faveur du logement : un coûteux bric-à-brac

par Guilhem GIL - Maître de conférences Aix-Marseille Université
Affichages : 1063

Dans son rapport publié le 21 mars 2019, la Cour des comptes relève que les principales dépenses fiscales en vigueur en faveur du logement, au nombre de 66, sont rattachées à huit programmes budgétaires différents et affectent six des neuf grandes catégories d’impôts.

Elles représentent près de 20 % de l’ensemble des dépenses fiscales supportées annuellement par le budget de l’État au cours des années 2012 à 2018, atteignant un montant de 18 Md€ pour la seule année 2018. La politique publique du logement se caractérise ainsi par un recours important à ces allègements d’impôts. L’enquête dont ce rapport rend compte, réalisée en 2018 à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, s’est appuyée sur les travaux menés par la Cour des comptes depuis 2012 au sujet de ces dépenses fiscales et sur de nouvelles investigations. Au regard de l’enjeu significatif que représentent ces dépenses du point de vue des recettes de l’État, la Cour recommande avec insistance de limiter la durée d’existence de ces dispositifs et de ne laisser perdurer que les dépenses fiscales qui, après avoir été évaluées avec rigueur, ont fait la preuve de leur efficience. La Cour souligne notamment que la conception des dépenses fiscales doit être améliorée. L’accumulation de dépenses fiscales nombreuses et diverses, parfois anciennes et souvent prorogées, ne permet pas d’identifier a posteriori la cohérence des choix opérés dans la conduite de la politique publique du logement. Plus d’un tiers (25) de ces 66 dépenses fiscales ont été conçues avant 2000, la plus ancienne d’entre elles remontant à 1963. Le rythme soutenu de leur création conduit à un empilement de mesures. Il est difficile de déduire de cette accumulation une cohérence d’ensemble au regard de la politique publique du logement, d’autant que plus de la moitié ne sont pas d’une durée limitée.
C’est pourquoi la Cour recommande de borner dans le temps les dépenses fiscales en faveur du logement dont le renouvellement sera soumis à évaluation et de proposer qu’une échéance soit fixée pour toutes celles actuellement non bornées (recommandation n° 5). La Cour souligne par ailleurs que le chiffrage des dépenses fiscales en faveur du logement doit progresser, que la présentation des dépenses fiscales doit être complétée et que le pilotage des dépenses fiscales est perfectible. Elle relève également que le contrôle des contreparties de la dépense fiscale en faveur du logement est très difficile, rendant en grande partie illusoire la subordination des aides au respect de contreparties que devraient respecter les bénéficiaires des dépenses fiscales, notamment en matière d’investissement privé locatif. Elle recommande donc de renoncer aux dépenses fiscales dont l’administration n’est pas en mesure de contrôler effectivement les contreparties attendues des bénéficiaires (recommandation n° 6). Enfin, la Cour souligne que l’évaluation des dépenses fiscales en faveur du logement demeure impérative et constate une nouvelle fois que des évaluations approfondies, rigoureuses et objectives des principales dépenses fiscales en faveur du logement font toujours défaut. Elle insiste à cet égard sur le fait que seule une évaluation objective permettrait de mesurer l’efficience comparée de ces dispositifs au regard de solutions alternatives comme les subventions ciblées, la modulation de taux ou la sortie progressive et sécurisée des dispositifs d’aide à l’investissement locatif.
En définitive, la Cour constate donc que, malgré des progrès, les dépenses fiscales demeurent encore trop peu maîtrisées pour être un instrument efficient de la politique du logement, même si des nuances peuvent être faites selon les cas. La Cour préconise donc de cesser progressivement de recourir aux dispositifs dérogatoires les moins justifiés et recommande d’élaborer un programme pluriannuel d’évaluation. Ces évaluations permettraient de chiffrer les effets obtenus ; en attendant, elle préconise de réduire le nombre des dépenses fiscales en supprimant celles qui ne sont pas chiffrées et/ou dont l’efficience paraît insuffisante ou non démontrée (Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, 21 mars 2019).