[06-2019] - L’harmonie de l’immeuble.

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Selon le constat dressé par l’un des rares auteurs à s’être intéressé à la question, la sauvegarde de l’esthétique de l’immeuble «n’est qu’une préoccupation marginale du statut de la copropriété.» A ne prendre en compte que la seule lettre de la loi, l’observation est fondée. L’article 25 b), paraît en effet bien seul lorsqu’il prévoit que ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant l’aspect extérieur de l’immeuble. Pour autant, si la loi du 10 juillet 1965 s’est montrée avare quant au nombre des dispositions visant à préserver l’apparence de l’immeuble, ce thème n’en occupe pas moins une place centrale dans le statut de la copropriété. D’une part, parce que l’article 25, bien qu’isolé, constitue un instrument particulièrement efficace de défense de l’esthétique de l’immeuble. D’autre part, et surtout, parce que l’aspect esthétique de l’immeuble participe en effet de la notion fondamentale qu’est celle de la destination de l’immeuble qui, selon l’article 8-I, alinéa 2 de la loi, est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. Or, l’apparence constitue indubitablement l’un des caractères de l’immeuble car elle fait partie de l’ensemble des conditions en vue desquelles un copropriétaire a acheté son lot, compte tenu de divers éléments et notamment des caractéristiques physiques de l’immeuble.

Cette intégration dans la notion de destination de l’immeuble, participant de l’intérêt collectif des copropriétaires, se traduit fréquemment par l’insertion dans le règlement de copropriété de clauses dites d’harmonie de l’immeuble. Certaines de ces clauses sont libellées de manière synthétique et prévoient par exemple que «tout ce qui touche à l’harmonie de l’immeuble et notamment toutes les parties visibles de la rue ne pourront être modifiées que par décision de l’assemblée des copropriétaires.» D’autres emploient des formules plus détaillées en stipulant que «les portes d’entrée des appartements, les fenêtres et fermetures extérieures, bien que constituant des parties privatives et également les gardes corps, balustrades, rampes et barres d’appui des balcons, loggias, terrasses, ne pourront, même en ce qui concerne leur peinture, être modifiés si ce n’est avec l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires statuant dans des conditions particulières de majorité et […] qu’aucun aménagement ni aucune décoration ne pourront être apportés par un copropriétaire aux balcons, loggias, terrasses qui extérieurement rompraient l’harmonie de l’ensemble immobilier.»
Quelle que soit la formulation employée, ces clauses ont pour objectif premier de figer ce caractère de la destination de l’immeuble, et ceci est particulièrement net dans le cas de celles affirmant que, pour la bonne harmonie de la propriété, le copropriétaire «ne devra rien faire qui puisse changer l’aspect extérieur de celle-ci et que les portes d’entrée, fenêtres, balcons, persiennes, garde-corps des balcons et fenêtres devront conserver leur forme et couleur primitives.» Cette fonction défensive remplie par la clause (I), reposant sur une obligation de ne pas faire imposée aux occupants de l’immeuble et qui leur est opposable, quel que soit leur titre d’occupation, est parfois renforcée par une seconde stipulation visant cette fois à promouvoir activement l’harmonie de l’immeuble (II).

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