[2018-11] - Clauses relatives à la courte durée*

par Christine LEBEL - Maître de conférences Université de Franche-Comté
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La durée de la location constitue parfois un élément fondamental dans la relation contractuelle entre le propriétaire et le locataire. Toutefois, le preneur peut souhaiter limiter son engagement dans la durée, ou le propriétaire éviter de soumettre le contrat au statut des baux commerciaux. Enfin, certaines conditions sont parfois imposées aux parties de telle sorte qu’elles induisent une situation précaire pour laquelle on ne sait pas véritablement quand la condition de précarité se réalisera.
*Chronique issue des actes du colloque ''La rédaction du bail commercial - Les principales clauses'' - 21 septembre 2018 - Aix en Provence

De telles situations correspondent aux baux dérogatoires, qu’il s’agisse des baux de courte durée, ou bien des baux saisonniers, ainsi qu’aux conventions d’occupation précaire. Chacun de ces contrats est aujourd’hui évoqué dans le Code de commerce car le législateur les a expressément exclus du statut des baux commerciaux, notamment lors des dernières réformes ayant été adoptées en la matière. Avant d’étudier les caractéristiques de chaque type de contrat., il semble nécessaire de rappeler l’évolution réalisée principalement depuis la loi n° 65-356 du 12 mai 1965, date à laquelle le législateur a profondément modifié les conditions du droit au renouvellement du bail.

Antérieurement, le décret du 30 septembre 1953 n’accordait ce droit qu’aux locataires titulaires de baux écrits de plus de deux ans ainsi que pour les baux verbaux de plus de quatre ans.

Après une navette parlementaire complexe, l’article 3-2 du décret de 1953, codifié depuis à l’article L.145-5 du Code de commerce, a été adopté. Ainsi, cette réforme a, d’une part, précisé les conditions requises pour bénéficier du droit au renouvellement du bail, et d’autre part, reconnu la possibilité de conclure des baux de courte durée, dérogatoires.
Alors que les parlementaires étaient convaincus d’être parvenu à prévoir un modèle de contrat qui serait vraisemblablement impossible de contourner, on peut considérer que la fraude s’est révélée être plus que courante à propos des baux dérogatoires. Bailleurs et preneurs pouvaient y trouver avantage.
En effet, le bailleur, pourrait ne pas souhaiter que le bail dérogatoire se transformer en bail commercial de neuf ans, avec tous les droits accordés au preneur, notamment le règlement d’une indemnité d’éviction en fin de bail.
Pour ce dernier, le renouvellement du bail dérogatoire lui assurait la pérennisation de l’utilisation des locaux loués à défaut de pouvoir signer un bail soumis au statut avec le bailleur. Il devait simplement régler un loyer au bailleur, sans avoir été contraint, au préalable de payer un droit d’entrée ou un pas-de-porte. Par conséquent, les cocontractants s’entendaient pour contourner le statut des baux commerciaux au moyen de contrats dont le renouvellement était en apparence régulier mais frauduleux, en réalité, car la règle de droit, dans sa rédaction antérieure à 2014, disposait que la soumission au statut résultait du renouvellement du contrat entre les mêmes parties et pour le même local.

Ainsi, dès lors que la consistance des locaux loués n’était identique (surface différente, exclusion ou adjonction d’une dépendance), les lieux loués n’étaient plus les mêmes, par conséquent, il n’y avait pas de renouvellement de bail dérogatoire entraînant l’application du statut des baux commerciaux.
Il en a été de même lorsque le preneur du bail dérogatoire renouvelé n’était pas celui du bail précédent, grâce notamment à la technique de l’interposition de personne, physique ou morale.

Toutefois, dès lors que la démonstration de la qualité de prête-nom du second locataire pouvait être établie, la jurisprudence requalifiait les contrats en baux soumis au statut, sous réserve de ne pas pouvoir mettre en œuvre la renonciation à la propriété commerciale par le preneur dès lors que ce dernier avait préalablement acquis ce droit. Le cadre juridique des baux dérogatoires a été sensiblement modifié par les réformes de 2008 et de 2014, ce qui contraint à envisager la rédaction des baux en prenant acte de ce cadre juridique amélioré.

La réforme de 1965 a également exclu les locations saisonnières du statut des baux commerciaux. Cette exclusion figure actuellement à l’article L. 145-5, alinéa 3, du Code de commerce. Auparavant, la jurisprudence avait considéré que ce type de location ne pouvait ouvrir droit au statut des baux commerciaux en raison du défaut d’exploitation continue.
Cette condition, bien que non inscrite dans le statut, s’explique par le fait que ce dernier protège le fonds de commerce qui suppose qu’il fasse l’objet d’une exploitation effective. Ainsi, le défaut d’exploitation justifie le refus du renouvellement du bail, sauf motif légitime susceptible d’excuser ce défaut d’exploitation. Les réformes de 2008 et de 2014 n’ont pas modifié le cadre juridique de la location saisonnière.

Enfin, l’exclusion des conventions d’occupation précaire du statut des baux avait été envisagée lors des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 12 mai 1965. Toutefois, elle n’a été supprimée lors de la navette parlementaire. L’exclusion du statut des baux a été jugée par la Cour de cassation en raison de l’insécurité juridique qu’il en résultait pour les cocontractants. Récemment, la Cour de cassation a considéré, dans un premier temps, que la convention d’occupation précaire devait être justifiée en raison de «circonstances exceptionnelles». Elle a modifié ensuite le critère, en exigeant seulement des «circonstances particulières». Le législateur de 2014 a repris la formulation jurisprudentielle de 2004 et désormais l’article L. 145-5-1 du Code de commerce précise que «la convention d’occupation précaire, qui se caractérise, quelque soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties» n’est pas soumise au statut des baux commerciaux.

Dans le cadre de cette étude nous envisagerons successivement les baux dérogatoires (I), les locations saisonnières (II) et les conventions d’occupations (III), en rappelant à chaque fois leur cadre juridique avant de préciser les clauses ou les mentions que doit comporter chaque contrat pour éviter la requalification, essentiellement pour cause de fraude, en un bail soumis au statut ou, le cas, échéant, pour la convention d’occupation précaire, en un bail de courte durée, qui peut donner lieu à un bail soumis au statut dès lors que le preneur reste dans les lieux à l’issue du délai légal maximal.

 I.- Le bail dérogatoire de courte durée 

Le cadre juridique du bail dérogatoire a été modifié successivement en 2008 et en 2014 (A) conduisant ainsi les praticiens à adapter les clauses insérées dans les baux de courte durée (B).

A.- Evolution du cadre juridique du bail dérogatoire de courte durée

Jusqu’en 2008, [...]

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