[2018-09].- Le droit de préférence du preneur à bail commercial est d’ordre public (NL)

par Bastien BRIGNON - Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille
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Cass. 3e civ., 28 juin 2018, FS-P+B+I, n° 17-14.605.

1. Seulement à peine un peu plus d’un mois après la première décision de la Cour de cassation relative à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce concernant le droit de préférence dont peut bénéficier le preneur à bail commercial1, la Cour de cassation statue de nouveau sur ce texte et affirme, à titre de principe, «qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente (...)»2. Le droit de préférence du preneur à bail commercial lorsque le propriétaire des murs envisage de les vendre, est donc d’ordre public.

2. Voilà une solution qui répond à nombre d’interrogations, notamment celle de savoir s’il était possible, par le contrat, d’évincer les dispositions de l’article L. 145-46-1, lesquelles, on le rappelle, sont assez récentes puisqu’elles ont été introduites par la loi Pinel du 18 juin 2014 pour les cessions d’un local intervenant à compter du 18 décembre 20143. Contrairement à ce que nous pensions, de manière un peu isolée il est vrai, le contrat de bail commercial ne peut pas, voire plus, stipuler que le preneur ne bénéficie, en aucune circonstance, d’un droit de préférence dès lors que le propriétaire envisage de vendre le local à usage commercial ou artisanal.

3. Toutefois  la solution fait naître nombre d’autres interrogations, dont certaines sont directement levées par l’arrêt lui-même dont les faits et l’issue du litige dévoilent quelques pistes certaines. En l’occurrence, il s’agissait d’un bailleur, propriétaire d’un immeuble à usage commercial, loué à une société, qui avait donné mandat à un agent immobilier de rechercher un acquéreur. Quelques temps après, par l’intermédiaire de cet agent immobilier, une société autre avait fait connaître au bailleur son intention d’acquérir ledit immeuble, puis, le propriétaire avait notifié à la locataire une offre de vente aux clauses et conditions acceptées par la société tierce, à savoir un prix augmenté des honoraires de l’agent immobilier. Pour sa part, la locataire avait accepté l’offre, à l’exception des honoraires. La propriétaire avait alors assigné la locataire, l’agent immobilier et le candidat acquéreur aux fins que celui-ci soit autorisé à acquérir l’immeuble. En appel, les juges du fond avaient considéré que la vente entre le propriétaire et son preneur était parfaite dans la mesure où ce dernier avait fait connaître au bailleur son acceptation d’acquérir au seul prix de vente, de sorte que les honoraires de négociation de l’agent immobilier n’étaient pas dus4. D’où le pouvoir en cassation du tiers acquéreur, évincé de la vente, dont le pourvoi est rejeté très nettement en ces termes : «mais attendu qu’ayant retenu à bon droit qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement [...]

 

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