[27-2017].- Respect de la destination contractuelle.

par Adeline CÉRATI-GAUTHIER, Maitre de conférences Aix-Marseille Université
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Cass. 3e civ., 9 février 2017, n° 15-28.759, publié au bulletin.

Le bail liant les parties limitait la destination contractuelle à l’activité d’entretien et de réparation automobile, le locataire s’engageant à ne pas exercer l’activité de pneumatique. De son côté, le bailleur lui garantissait l’exclusivité et la non-concurrence des activités de vente et pose de tous éléments concernant l’échappement et l’amortisseur. Ultérieurement, le locataire a fait une demande d’extension d’activité pour la vente, la pose et la réparation pneumatique, sur le fondement de l’article L. 145-47 du Code de commerce. Le bailleur ayant refusé, le locataire l’a assigné en constatation du caractère connexe ou complémentaire de l’activité pneumatique avec celle autorisée par le bail commercial et en nullité des clauses du bail interdisant cette activité. Les juges d’appel ont rejeté sa demande tendant à voir déclarer le bailleur déchu de son droit à contester le caractère connexe ou complémentaire de la nouvelle activité. Au soutien de son pourvoi, le locataire invoquait, notamment, le fait que le bailleur doit signifier par acte extrajudiciaire et dans les deux mois sa contestation du caractère connexe ou complémentaire de l’activité projetée, à peine de déchéance de son droit d’élever une contestation sur ce point. Les juges d’appel auraient violé l’article L. 145-57 en se contentant d’une manifestation de volonté non équivoque remplie en l’espèce par la lettre simple adressée par le bailleur au locataire. Qui plus est, toujours selon le locataire, le bailleur ne pouvait s’opposer à la modification de la clause de destination qu’en niant le caractère connexe ou complémentaire de l’activité envisagée. Il ne lui suffisait pas d’exprimer son opposition à la déspécialisation projetée. Les arguments n’ont pas séduit la Cour qui rejette le pourvoi : le bailleur n’était pas tenu de motiver sa contestation. Dès lors qu’il avait manifesté de façon non équivoque son opposition à l’adjonction aux activités autorisées au bail de l’activité envisagée par la locataire dans le délai imparti, la déchéance prévue à l’article L. 145-47 du Code de commerce n’était pas encourue.
La solution proposée par la Cour parait bien trop favorable au bailleur et peu conforme au texte de l’article L. 145-47 du Code de commerce. Le deuxième alinéa du texte prévoit que le bailleur peut faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s’il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. En se contentant de rejeter la demande de déspécialisation, il ne semble pas qu’il «conteste» le caractère complémentaire ou connexe des activités. Le texte lui impose implicitement de motiver son refus.
Si l’arrêt a eu les honneurs de la publication, c’est pourtant afin de marquer une rupture avec une jurisprudence, certes un peu ancienne, mais qui nous semblait justifiée, selon laquelle lorsque le bailleur n’a pas contesté dans le délai le caractère connexe ou complémentaire de l’activité projetée, mais a seulement manifesté son opposition à l’extension envisagée, cette dernière est acquise au locataire (Cass. 3e civ., 1er févr. 1978, Bull. civ. III, n° 63 ; Cass. 3e civ., 1er mars 1995, D. 1995. IR 79, RDI 1995. 604, obs. J. Derruppé).