Le syndic et les insectes xylophages - Les modalités de l’indemnisation

par Thierry Poulichot - Directeur des Garanties citoyennes
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Les modalités de l’indemnisation

Sur le plan de l’équité, la réparation devrait être intégrale lorsque des citoyens ont reçu des informations fausses à l’occasion de l’achat d’un bien. Ceux qui ont donné des éléments trompeurs devraient indemniser le coût des travaux nécessaires pour que le vice qui avait été caché disparaisse. Certaines juridictions adoptent cette position.

Concernant la présence de capricornes non signalés par un état parasitaire lors d’une vente, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi estimé que l’indemnisation devait être intégrale et se faire à la hauteur des travaux nécessaires pour faire disparaître ces insectes xylophages.

En 2007, la même chambre avait confirmé cette approche. Lors d’une vente, un diagnostic avait relevé l’absence du plomb pourtant présent. Le diagnostiqueur a été condamné à indemniser l’acheteur à la hauteur du coût des travaux indispensables pour supprimer l’accès au plomb.

Quelques années après, et à propos d’une société de diagnostic en faillite qui n’avait pas relevé la présence de termites dans un bien, la troisième chambre civile a accepté une condamnation de la société et de son assureur. L’indemnité a été fixée à la hauteur du coût de la destruction et de la reconstruction de la maison. On était bien au-delà de la simple perte de chance.

Néanmoins, la première chambre civile a choisi une attitude différente. À l’occasion d’une cession de bien où un notaire et des intermédiaires de vente avaient caché des désordres de construction importants, il a été estimé que l’indemnisation ne devait être effectuée qu’au niveau de la perte d’une chance pour les acquéreurs de négocier un prix plus bas s’ils avaient été mieux informés.

La deuxième chambre civile a adopté la même position en matière de dissimulation de la présence d’amiante lors d’une vente. Elle relevait que «les travaux de désamiantage non obligatoires au regard de la règlementation alors en vigueur ne constituaient pas un préjudice certain».

Pour les justiciables, la divergence entre les trois chambres de la Cour de cassation induisait une imprévisibilité du droit.

Afin de régler la question, les trois chambres en question ainsi que la chambre commerciale se sont réunies à l’occasion d’un litige à trancher. L’affaire était classique. 

Lors d’une vente, le diagnostiqueur avait établi un état parasitaire où il avait omis de signaler l’infestation avancée d’un immeuble par des termites. La société de diagnostic, qui a été mise en liquidation, ainsi que son assureur, furent assignés par les acheteurs. 

La Cour de cassation a décidé que les acquéreurs devaient être indemnisés à la hauteur du coût des travaux nécessaires pour remédier au vice. 

Elle s’est fondée sur l’article du Code de la construction et de l’habitation imposant la fourniture d’un diagnostic relatif à la présence des termites dans certaines zones. Cette position a été bien reçue en doctrine.

Désormais, la situation devrait être claire.

Toutefois, la cour d’appel de Dijon semble avoir choisi de résister à cette jurisprudence. 

Un agent immobilier avait manqué à son devoir de conseil en oubliant de souligner la présence d’insectes xylophages lors d’une vente. La toiture était pourtant déformée à la suite des ravages causés par les animaux en question, et un professionnel aurait dû s’en rendre compte. L’agent immobilier n’a néanmoins été condamné que sur le fondement de la perte d’une chance pour l’acquéreur d’acheter le bien moins cher.

Cet arrêt devrait rester isolé. La limitation de l’indemnisation à la perte de chance semble réservée au diagnostic de performance énergétique et au diagnostic d’exposition au bruit d’aérodromes. Ces deux diagnostics n’ont qu’une valeur indicative en application du CCH. 

Au vu de la situation géopolitique depuis février 2022 et des tensions induites sur le marché de l’énergie, souhaitons d’ailleurs que ces exceptions disparaissent. Si cette réforme salutaire intervenait, un diagnostic erroné entraînerait toujours l’indemnisation du préjudice certain constitué par la réparation nécessaire pour éliminer le vice caché.

Par extension, on peut également espérer que la jurisprudence sur l’indemnisation de la seule perte de chance en matière de mesurage erroné prenne fin, au besoin grâce à une intervention du législateur.

Les risques de décisions judiciaires atypiques seront ainsi limités, puisque les inexactitudes dans des diagnostics lors des ventes donneront toujours lieu à indemnisation du préjudice certain induit par l’erreur commise.