Première décision du fond donnant raison aux bailleurs quant aux loyers commerciaux et à la crise sanitaire

par Bastien BRIGNON - Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille
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Bail commercial et Covid19 - ImmobilierL’essentiel

L’article 1719 du Code civil n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité.

TJ Paris, 18e chambre, 2e section, RG 18/02353, 25 février 2021

L’article 1719 du Code civil relatif à l’obligation de délivrance du bailleur n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité. Dès lors, le locataire ne contestant pas que les locaux lui permettent d’exercer l’activité à laquelle ils sont contractuellement destinés, et le trouble de jouissance, dont il se prévaut, du fait de la fermeture administrative de son commerce, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l’épidémie de la Covid-19, n’étant pas garanti par la bailleresse, il ne saurait être fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution des loyers payés sur cette période, de l’inexécution par le bailleur, pendant cette même période, de ses obligations de délivrer les locaux loués et de garantir leur jouissance paisible. Telle est la solution rendue par la 18e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris dans son jugement, au fond, en date du 25 février 2021 (Dalloz actualité, 9 mars 2021, note J. Monéger ; J.-D. Barbier, Loyers commerciaux en temps de pandémie : double peine et triple erreur, Dalloz actualité, Droit en débats, 9 mars 2021 ; Lettre d’actualité, mars 2021, note J.-P. Blatter Lexbase ; La lettre juridique n° 856 du 4 mars 2021, note V. Téchené ).

 

La décision est assurément d’importance. Actuellement, les décisions relatives aux loyers commerciaux et professionnels et à la crise sanitaire pullulent en raison de l’explosion de ce contentieux, ce qui n’a rien de surprenant. D’une manière générale, les juges des référés considèrent que la demande en paiement par provision devant eux des loyers dus par les locataires commerçants pendant la ou les périodes de confinement font l’objet d’une contestation sérieuse, et les juges de l’exécution estiment, pour la plupart, qu’il n’y a pas lieu à saisie-conservatoire au titre de ces mêmes loyers. Toutefois, cette décision du fond du 25 février 2021 statue en sens contraire. Elle sonne comme un coup de tonnerre car elle est véritablement la première, dans cette période de crise sanitaire, à rejeter les arguments du preneur fondés sur le défaut d’exécution des obligations de délivrance et de garantie de jouissance paisible de l’article 1719 du Code civil. Elle est la première, en cette période de crise, à ne pas obliger le bailleur, à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité. Constatant que le preneur ne discutait pas le fait que son local lui permettait d’exercer l’activité prévue au bail, et que le bailleur n’était pas garant du trouble de jouissance résultant de la fermeture administrative de son commerce imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l’épidémie liée au SARS-CoV-2, elle est donc la première à rejeter la demande en restitution des loyers payés.

 

La décision est si importante (I) qu’elle s’accompagne d’un communiqué de presse. Il faut cela étant et nous semble-t-il garder de la mesure (II).

Article paru dans les Annales des Loyers N° 04 d'avril 2021

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