[2018-06] - La clause compromissoire (NL)

par Gilles ROUZET - Conseiller honoraire à la Cour de cassation
Affichages : 5219

Index de l'article

 I.- Approche de la clause compromissoire 

A.- Un passé chaotique

La clause compromissoire, à laquelle les institutions européennes invitent à recourir6, a longtemps été la mal aimée du droit positif interne7. Les soubresauts qu’elle a connus8 font qu’elle est encore ignorée par ceux auxquels elle est permise dans les opérations qu’ils concluent pour les besoins de leur activité.
Du décret-loi des 16-24 août 1790 qui entendait sanctuariser l’arbitrage9 par défiance envers les juridictions étatiques et proposait de recourir à des prud’hommes - au sens premier du terme - à l’arrêt Prunier de 184310 qui la frappait de nullité pour éviter sa prolifération dans les contrats d’adhésion, la clause compromissoire a connu des fortunes diverses.

Deux textes avaient quelque peu assoupli cette jurisprudence par trop restrictive :
- La loi du 31 décembre 1925, qui a autorisé à l’article 631, dernier alinéa, du Code de commerce (ancien), la stipulation de la clause compromissoire dans les contrats conclus ès-qualités entre négociants, commerçants, banquiers, associés de sociétés commerciales. Renumérotée aujourd’hui en un article L. 721-3 du code actuel, cette disposition est maintenue, même si elle perd de son importance avec la réforme ultralibérale de 2016 ;
- La loi du 28 juin 1938, qui a admis en son article 8 l’introduction de la clause compromissoire dans un contrat spécifique, conclu le plus souvent entre particuliers : le règlement de copropriété11. Bien que figurant en l’espèce dans un contrat d’adhésion, l’obligation d’y recourir était opposable entre propriétaires de lots, quelle que fût leur activité ou leur statut. Toutefois, maintes fois écartée par les juridictions de l’ordre judiciaire peu favorables à son extension, la dérogation est demeurée ignorée de la loi du 10 juillet 1965 et son utilisation à ce titre n’allait pas sans poser problème depuis12.
Ce fut l’article 13 de la loi du 5 juillet 197213 qui conféra l’onction législative à l’interdiction relevant jusqu’alors de la seule interprétation jurisprudentielle. Le texte disposa en un article 2061 du Code civil que «la clause compromissoire est nulle s’il n’est disposé autrement par la loi». La prohibition, qui ne connaissait plus d’autres exceptions que celles énoncées au Code de commerce, devenait alors un principe légal, général et quasi absolu.
La loi du 15 mai 2001, dont l’objet affiché était de favoriser les nouvelles régulations économiques (NRE)14, a révisé cette orientation considérée comme trop rigoriste. Passant du négatif au positif par une inversion, elle a affirmé jusqu’à la réforme intervenue fin 2016 que, «sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle».

B.- Des normes assouplies

Se situant en matière processuelle, on examinera les prescriptions règlementaires du Code de procédure civile, qui ont toutes été maintenues, préalablement aux dispositions législatives du Code civil, dont une seule a été modifiée. Toutefois, est-ce radicalement puisque la loi du 18 novembre 2016 l’a entièrement réécrite.

1.- Le maintien de la règlementation (le Code de procédure civile) :

ABONNEZ-VOUS POUR LIRE LA SUITE